Suisse Le système fiscal devient «médiéval»
Le système fiscal helvétique est en train de devenir «médiéval», estime l'avocat et professeur de droit fiscal à Genève Xavier Oberson.

L'expert regrette l'absence de vision d'ensemble du Conseil fédéral et milite pour un système «Rubik» au niveau suisse.
«On n'a pas pris la peine d'examiner l'ensemble. On est en train de supprimer toutes sortes de niches, mais on risque de se retrouver avec un système fiscal très lourd, pas compétitif et complètement dépassé - un système médiéval», dénonce le spécialiste, régulièrement consulté par Berne, dans une interview publiée jeudi par le quotidien «Le Temps».
On le voit avec la taxation des entreprises: sous la pression de l'Union européenne (UE), il nous faut changer de système, mais dans quelle direction? Le mérite du ministre des finances genevois David Hiler est de proposer quelque chose, d'ouvrir le débat: supprimer les statuts spéciaux, placer toutes les entreprises au même taux, relève M. Oberson. Et de rappeler que Neuchâtel l'a déjà fait.
S'agissant du secret bancaire, il est remis en question à l'interne, pour les Suisses aussi. Si l'on va dans cette direction, l'impôt anticipé n'a plus de sens non plus, car il est à l'origine un mécanisme antifraude, destiné à compenser la garantie du secret bancaire, analyse le professeur.
Un «Rubik» suisse
«Mon idée est donc de repenser l'impôt anticipé pour en faire un impôt libératoire à la source sur le modèle de 'Rubik'», explique M. Oberson. «On taxerait tous les revenus du capital et, à l'instar des accords internationaux, on ouvrirait en même temps la possibilité aux contribuables suisses de faire une déclaration spontanée pour régler le passé en payant un montant forfaitaire global».
Pour le Genevois, le pire serait de supprimer le secret bancaire et de garder l'impôt anticipé. A ses yeux, on pourrait penser à supprimer l'impôt sur la fortune et à le remplacer par une imposition des gains en capital, quitte à taxer également mais modérément les successions.
«Rubik» pas définitivement mort
Sur le plan international, Xavier Oberson n'est «pas de ceux qui disent que 'Rubik' est définitivement mort». Si la Commission européenne avait réellement voulu tuer «Rubik», elle aurait pu le faire, relève l'avocat. «Mais elle ne l'a pas fait». Et l'Allemagne a refusé de justesse. «C'était une bonne idée, au moins pour régler le passé».
Pour M. Oberson, l'échange automatique avec l'UE, évoqué récemment par la ministre des finances Eveline Widmer-Schlumpf, n'est pas un tabou. «Mais il faut être conscient que quand vous parlez aux banquiers d'échange automatique, c'est quelque chose qu'ils ne veulent à aucun prix».
Le professeur se dit par ailleurs «effaré» de voir qu'après l'affaire de la manipulation du taux Libor, il ne se passe rien en Suisse pour demander des comptes à UBS.
Et concernant la nouvelle convention de double imposition sur les successions renégociée avec la France, Xavier Oberson estime que c'est un texte «inacceptable». «La Suisse a perdu toute crédibilité auprès de la France. Les concessions obtenues sont insignifiantes». D'après lui, le vide conventionnel aurait été préférable. (ats)