JusticeLe TPI ouvre une enquête contre Carla Del Ponte
Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPI) a ouvert une enquête sur Carla Del Ponte, procureure générale du TPI de 1999 à 2007, et deux de ses collaborateurs.

Carla Del Ponte est soupçonnée d'avoir fait pression sur des témoins.
Dans une décision du 29 juin, révélée cette semaine par le journal britannique The Guardian, le greffier du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPI) a été chargé de nommer un avocat indépendant pour enquêter sur les accusations contre la Suissesse et les procureurs Daniel Saxon et Hildegard Ürtz- Retzlaff. Il a accédé à une requête du Serbe Vojislav Seselj, jugé à La Haye pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
Ce magistrat devra «enquêter sur d'éventuelles intimidations ou pressions, même indirectes, exercées par certains enquêteurs de l'Accusation», indique la décision du juge Jean-Claude Antonetti, publiée sur le site web du TPI.
Il devra révéler s'il existe «des motifs suffisants» d'engager une procédure envers des membres de l'accusation pour «outrage» et d'identifier les personnes en cause. Il aura six mois pour rendre un rapport. Ce délai peut toutefois être prorogé à la demande de l'»amicus curiae».
Selon Vojislav Seselj, certains témoins ont évoqué «des privations de sommeil lors des interrogatoires, des pressions psychologiques, un chantage (les enquêteurs proposant une relocalisation contre le témoignage qu'ils attendaient), des menaces (celle - par exemple - d'établir un acte d'accusation à l'encontre du témoin s'il refusait de déposer), ou encore des versements financiers illégaux».
«Fausses allégations»
L'ultranationaliste serbe accuse aussi les procureurs du TPI d'être responsables du suicide en 2006 de l'ex-chef des Serbes de Croatie Milan Babic, qui «n'a pu supporter toutes les pressions qu'elle lui faisait subir». Une attaque catégoriquement rejetée par le bureau du procureur et par l'enquête menée à l'époque par le vice- président du TPI.
Plus généralement les services du procureur général Serge Brammertz - successeur de Mme Del Ponte - affirment que la requête de M. Seselj «fait état de fausses allégations». Ils considèrent que certaines accusations faites à son encontre sont «complètement invraisemblables» et fait part de «sérieux doutes» sur la manière dont les témoins ont «soudainement» fait leurs déclarations.
Interrogé par CNN, le conseiller spécial de M. Brammertz, Frederick Swinnen, a estimé que l'enquête ne devrait pas mettre en évidence de délit. «Notre opinion est que notre équipe a travaillé d'une manière professionnelle et selon les règles», a-t-il affirmé.
Seselj déjà condamné
En revanche, a-t-il rappelé, Vojislav Seselj a lui-même été condamné pour outrage à la cour. La chambre d'appel du TPI avait confirmé en mai la condamnation de président du Parti radical serbe à quinze mois de prison pour avoir révélé l'identité de plusieurs témoins «protégés».
Selon lui, Mme Del Ponte est mise en cause uniquement en tant qu'ancienne procureure générale du TPI (de 1999 à 2007), et non à titre personnel. La Tessinoise, qui est désormais ambassadrice de Suisse en Argentine, ne peut à ce titre s'exprimer publiquement sur ce sujet sans le feu vert du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).
Selon la presse tessinoise, elle a toutefois d'ores et déjà laissé entendre qu'elle n'a rien à se reprocher. (ats)