Genève/VaudLes femmes, courtisées par les unis pour étudier l’informatique
L’UNIGE lance un programme pour inciter les collégiennes (17-18 ans) à entreprendre des études d’informatique. L’EPFL a aussi développé une panoplie d’activités pour les jeunes filles.

- par
- Leïla Hussein
Aujourd’hui encore, «l’image du petit garçon qui bidouille son ordinateur» persiste dans les représentations sociales. Résultat: les informaticiennes se font rares en Suisse. A l’Université de Genève (UNIGE), seules 20% d’étudiantes sont inscrites au Bachelor en sciences informatiques. En Master, leur nombre tombe à 6%.
Pour Isabelle Collet, spécialiste des questions de genre liées au numérique à l’UNIGE , il est urgent de réagir. «Dénoncer les stéréotypes, c’est bien, mais ça ne suffit pas. Il faut une vraie politique volontariste.» C’est pourquoi l’UNIGE lance «bootstrap», un programme d’études anticipées destiné aux collégiennes entre 17 et 18 ans (3e et 4e années) afin de les inciter à se tourner vers l’informatique. Dès le mois de septembre, celles-ci pourront suivre différents enseignements et obtenir des crédits à faire valoir lors d’une future inscription.
Des applications faites pour les hommes
«Le numérique ne se porte pas bien en étant entre les mains d’une population aussi homogène, soit 80% d’hommes blancs», estime l’experte de l’UNIGE. Elle en veut pour preuve les applications qui ne prennent pas en compte les besoins des femmes. «Certaines app de santé n’ont toujours pas intégré le cycle menstruel et les app de coaching sportif de haut niveau ont pour référence le corps d’un homme.» L’intelligence artificielle n’échappe pas à ce biais, bien au contraire. «Basée sur un important volume de données imprégnées par les représentations sociales, elle amplifie les stéréotypes».
A l’Ecole polytechnique de Lausanne (EPFL), des cours de coding pour les jeunes filles existent depuis 2003. A l’heure actuelle, pas moins de 9’000 enfants âgées entre 7 et 16 ans participent aux événements proposés à travers toute la Suisse. L’enjeu selon la cheffe du service de promotion des sciences, Farnaz Moser: «commencer très tôt pour contrer le biais culturel et permettre aux filles de se sentir légitimes et d’acquérir les mêmes expériences que les garçons.» En 2012, le Bachelor en informatique de l’EPFL comptait seulement 10% d’étudiantes. En 2021, elles étaient 18%.
«Avant, les femmes étaient admises»
«Jusque dans les années 80, l'informatique n'était pas considérée comme particulièrement masculine. Les femmes étaient admises, car il s'agissait avant tout d'un métier de bureau, explique la professeure de l’UNIGE. Mais avec l’arrivée du micro-ordinateur, on a assisté à la montée en prestige des métiers de l’informatique et à un discours fort et incitatif adressé aux garçons. Aussi, alors que la part des femmes a augmenté dans les autres filières techniques et scientifiques, ces dernières décennies, en informatique, la tendance a suivi une courbe inverse, avec un nombre de femmes en chute libre.»
Pour Farnaz Moser, «des efforts doivent être faits à tous les niveaux.» Notamment dans les entreprises, qui ont un rôle à jouer pour retenir les femmes sur le marché du travail. En effet, «non seulement elles sont peu à se tourner vers ces études, mais elles abandonnent aussi rapidement le métier, car elles ne voient pas de perspectives de carrière», relève Isabelle Collet, elle-même informaticienne de formation reconvertie.
«C’est un vrai combat»
A Renens (VD), un établissement fait figure d’exemple: l’Ecole42. Gratuite et accessible dès 18 ans sans prérequis, l’institution aspire à atteindre la parité et s’en donne les moyens. Ecriture inclusive, événements non-mixtes, mentorat féminin, campagne de publicité ciblant les femmes. Tout est fait pour attirer la gente féminine. «Comme nous savons que nous aurons beaucoup de candidatures masculines, nous créons un biais de communication pour rééquilibrer les choses», confie Christophe Wagnière, directeur de l’établissement, qui a accueilli 21% de femmes l’an dernier. Son responsable espère atteindre 25% lors de la prochaine volée. «Mais c’est un vrai combat!»