GenèveLes gardiens de prison ne sont pas assez bien formés
La Cour des comptes juge la formation du personnel pénitentiaire inadaptée à la réalité du terrain. Le convoyage de détenus est concerné.
- par
- David Ramseyer

Les employés des prisons travaillent «dans un monde compliqué, les conditions sont difficiles», admet le juge François Paychère. Les besoins en personnel «augmentent continuellement et de manière importante», face notamment à une surpopulation carcérale chronique. Un contexte qui met d'autant plus en lumière les lacunes de la formation des gardiens, pointée du doigt ce jeudi dans un audit de la Cour des comptes sur la gestion des ressources humaines de l'Office cantonal de la détention (OCD).
Formation dans le vague
Le document dénonce des objectifs pédagogiques «trop abstraits» dans l'instruction des stagiaires. Mais aussi l'absence de formation continue, un domaine où visiblement tout ou presque reste à faire. Les formations sont «généralistes alors que les besoins des agents (...) comportent des spécificités techniques propres» à chaque type de détenu, souligne ainsi la Cour. Celle-ci pointe aussi du doigt des doublons potentiels entre la formation cantonale puis fédérale des agents.
Le si controversé convoyage des détenus par des agents de sécurité privée n'échappe pas non plus à la critique: «Les prestataires de service doivent mieux former leur personnel», souligne François Paychère. Notamment dans le cadre de leurs procédures avec les employés des prisons. Ce qui ne surprend guère le président du syndicat de police, Marc Baudat: «On a pris des gens sur le tas, pas formés, que l'Etat ne contrôle pas malgré les garanties de ce dernier».
Critiques syndicales
Pour le syndicaliste, il n'y a au fond rien de vraiment nouveau dans les constats de la Cour des comptes. Selon lui, l'ouverture récente de nouveaux établissements pénitentiaires illustre bien les failles relevées dans la formation du personnel: «L'Etat a voulu construire à toute vitesse Curabilis (ndlr; pour les détenus souffrant de troubles mentaux) et l'extension de la Brennaz (ndlr; dévolue à l'exécution de peines) sans avoir les gardiens pour cela. Il a donc fallu engager massivement. Cela a provoqué des errements au niveau des ressources humaines, notamment dans la vérification déficiente de certaines candidatures.»
Marc Baudat, qui juge aussi que l'encadrement des nouveaux engagés par des hommes expérimentés est insuffisant, se veut tout de même modérément optimiste: «On va vers le mieux».
Travaux déjà lancés
Le directeur de l'OCD en est aussi persuadé. Philippe Bertschy partage les constats de la Cour des comptes et note que nombres de recommandations sont en cours de traitement: «D'une certaine manière, l'audit valide les options déjà prises», affirme le haut fonctionnaire. Ce dernier attend aussi beaucoup de la future Loi sur l'organisation et le personnel de la prison, qui devrait être votée au Grand Conseil avant la fin de l'année. «Le cadre législatif est encore insuffisant mais l'état de crise permanent du domaine pénitentiaire qui prévalait, c'est terminé. La situation est stabilisée.»
Autres lacunes dénoncées
Le rapport de la Cour, effectué notamment à la demande du Département cantonal de la sécurité, organe de tutelle de l'OCD, juge aussi que la promotion des employés se base aujourd'hui trop sur l'ancienneté. Il déplore en outre le manque de mobilité interne au sein de l'institution et une absence de véritable culture d'entreprise entre les différents établissements pénitentiaires. Selon l'audit, "l'office cantonal de la détention est encore en construction" alors qu'il évolue dans un "domaine carcéral aujourd'hui en forte évolution".