Après le suicide d'Alireza, les jeunes migrants manifestent à Genève

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GenèveLes jeunes migrants tonnent: «Alireza avait droit à la vie» 

Quelque 500 personnes ont manifesté ce jeudi devant l’Hospice général après le suicide d’un jeune requérant d’asile.

par
Jérôme Faas
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«Les pouvoirs ne font pas attention à notre danse.» Les mots sont inscrits en lettres rouges sur une banderole tenue par de jeunes migrants. Il s’agit de la dernière phrase de la lettre qu’Alireza, un jeune requérant d’asile afghan, a écrite aux autorités suisses avant de s’ôter la vie, le 30 novembre. Son renvoi vers la Grèce, pays où il avait subi d’atroces sévices dans un camp de réfugiés, venait de lui être notifié. Et cela alors que le secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et le Tribunal administratif fédéral avaient connaissance, en raison de certificats médicaux, de ses tendances suicidaires.

Jeudi en fin d’après-midi, quelque 500 personnes ont manifesté devant l’Hospice général, à Rive, en mémoire du jeune homme, pour demander des comptes et exiger un accueil plus humain. Une majorité de jeunes réfugiés se trouvaient là, ainsi que plusieurs membres des associations de soutien aux requérants d’asile. «Ne nous enterrez pas avec nos rêves», implore un calicot; «un réfugié est un enfant comme un autre», proclame une pancarte; «le SEM ne respecte pas les droits humains», assène une autre.

«Hospice, injustice!»

L’assistance, calme et disciplinée, oscille entre insondable tristesse et sourde colère. Le directeur de l’Hospice général prend la parole, assurant que l’institution est «aux côtés de tous ceux qui vivent la mort» d’Alireza, et dénonçant «une décision administrative prise sans considération des circonstances personnelles». Il est interrompu. «Hospice, injustice!», «On ne veut pas les mensonges!» Il ne finira pas son allocution.

La cousine du défunt s’exprime alors, en larmes. «Il a beaucoup souffert avant d’arriver ici. Ce n’est pas juste ce qui lui est arrivé. Il avait droit à la vie.» Silence de plomb. Plusieurs jeunes gens retiennent leurs sanglots. «L’Etat est responsable. On doit demander des comptes.» Un cri de douleur sort de la poitrine d’un homme. Plusieurs autres s’exprimeront, la plupart dans leur langue. Partout, des photos d’Alireza sont brandies.

«Nous voulons tous travailler»

Un jeune Afghan, qui avait vécu dans le décrié foyer de l’Etoile comme lui, prend la parole. «Ali s’était très bien intégré dans la société. Il avait cru enfin vivre dans un pays en paix, après avoir subi la violence des talibans et de l’Iran des mollahs. Il ne savait pas que le SEM, avec sa politique inhumaine, allait le rejeter.» Il revendique, enfin: «Nous voulons tous travailler pour ne pas dépendre de votre aide sociale. Nous voulons une formation et une carte d’identité cantonale.»

«L’Ukraine a montré que quand on veut, on peut»

Les associations, elles aussi, disent leur tristesse et leur colère. Un représentant de la Coordination asile Genève, qui en regroupe vingt, rappelle ainsi le suicide, en 2019, d’un autre jeune requérant logé au foyer de l’Etoile. «Le Conseil d’Etat avait alors adopté un plan d’action. Trois ans plus tard, les résultats ne sont pas du tout à la hauteur.» Il critique une décision de renvoi «révoltante» au vu du dossier médical d’Alireza, «dans un pays où les droits fondamentaux sont bafoués. (…) Les autorités ne voient plus que des dossiers et des numéros et sont aveugles aux destins individuels. Elles ne voient pas leur danse.» Et de noter que «l’accueil de dizaines de milliers d’Ukrainiens a montré que quand on veut, on peut.» Les manifestants devaient ensuite se diriger vers le Conseil d’Etat.     

 

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