Hong KongLes manifestants se heurtent aux habitants
De violents heurts opposaient les militants prodémocratie à des centaines d'habitants exaspérés par les manifestations, alors que les étudiants ont finalement décidé de rompre le dialogue avec le gouvernement.
A Mong Kok, quartier commerçant et très densément peuplé de Kowloon, face à l'île de Hong Kong, des centaines de personnes s'en sont pris aux manifestants en infériorité numérique. Elles ont tenté, souvent avec succès, de dégager les barricades. «Rendez-nous Mong Kok! Nous, les Hongkongais, on a besoin de manger», «rentrez chez vous», criaient les contre-manifestants.
Les deux camps échangeaient coups et insultes tandis que les policiers dépassés s'employaient à les séparer et à ouvrir des couloirs pour les ambulances sans qu'on sache immédiatement si les heurts ont fait des blessés.
Certains manifestants ont accusé leurs opposants d'avoir recruté des hommes de main pour provoquer des troubles et discréditer le mouvement qui a mobilisé depuis dimanche des dizaines de milliers de personnes et fortement perturbé l'activité de la ville.
«On doit nourrir nos enfants»
A Causeway Bay, temple du shopping et autre centre secondaire de la mobilisation, des escarmouches ont également opposé environ 25 manifestants à une cinquantaine de personnes. «Ce n'est pas ça la démocratie, on doit nourrir nos enfants», a hurlé l'une d'elles. Des passants ont applaudi au démantèlement de certaines barricades.
Le mouvement prodémocratie réclame l'instauration d'un suffrage universel plein et entier ainsi que la démission du chef de l'exécutif local, Leung Chun-ying, qu'il considère comme la marionnette de Pékin.
Les étudiants, fer de lance du mouvement, lui avaient donné jusqu'à jeudi à minuit pour démissionner. Peu avant l'expiration de l'ultimatum, M. Leung a refusé sans surprise d'accéder à cette exigence tout en proposant aux étudiants l'ouverture d'un dialogue avec la secrétaire en chef de son gouvernement.
Concession vaine
Même si ce geste apparaît comme une concession significative, le gouvernement refusant toute discussion jusqu'alors, nombre de protestataires sont méfiants, Pékin ayant assuré qu'il ne bougerait pas d'un pouce.
Mais les chefs de file étudiants ont annoncé vendredi qu'ils ne participeraient pas aux négociations avec le gouvernement sur la réforme électorale du territoire chinois, estimant que la police avait laissé des groupes mafieux les attaquer.
La Fédération des étudiants de Hong Kong (HKFS) a indiqué qu'elle n'avait «d'autre option que d'annuler (sa participation) aux pourparlers» destinés à mettre fin à près d'une semaine d'occupation du centre de la mégapole par les manifestants. «Le gouvernement et la police ont fermé les yeux aujourd'hui (vendredi) lorsque les triades ont violemment attaqué les manifestants pacifiques», a-t-elle justifié.
Plus grave crise
Hong Kong, ancienne colonie britannique, traverse sa plus grave crise politique depuis sa rétrocession à la Chine en 1997. Dimanche, la police antiémeute avait fait usage de gaz au poivre et de gaz lacrymogène contre des protestataires souvent très jeunes, munis seulement de parapluies pour se défendre. Et la vision de policiers en train de décharger des caisses de balles de caoutchouc jeudi soir n'était pas de nature à apaiser les angoisses.
Des échauffourées ont de nouveau éclaté vendredi entre manifestants et policiers dans le quartier des ministères. Le chef de l'exécutif de Hong Kong, Leung Chun-ying, a déploré une situation «proche de l'anarchie». «En tant que société civilisée, nous ne pouvons plus permettre que de tels incidents se produisent», a-t-il dit.
Trahissant sa nervosité face aux manifestants qui occupent la rue à Hong Kong, le Parti communiste chinois a durci sa censure contre les réseaux sociaux. Une dizaine de personnes ont été arrêtées pour avoir apporté leur soutien aux manifestants hongkongais, selon des associations de défense des droits de l'homme. (afp)
«Excusez-nous pour le dérangement»
Ils s'excusent pour le dérangement, ils recyclent leurs ordures et ils font leurs devoirs: les manifestants pro-démocratie qui occupent les rues de Hong Kong prennent l'expression «campagne de désobéissance civile» au pied de la lettre.
Les dizaines de milliers de protestataires qui se déploient depuis dimanche dans les rues de l'ancienne colonie britannique ont en effet comme souci absolu que la mobilisation se déroule de la manière la plus «civilisée» possible. «Excusez-nous pour le dérangement», peut-on lire sur de nombreux panneaux collés sur les barricades.
Hong Kong est connue pour la discipline de ses plus de sept millions d'habitants. Les gens attendent le bus dans des files d'attente ordonnées et il ne viendrait à l'idée de personne de doubler son voisin. Les mauvaises manière supposées des Chinois du continent auxquels ils reprochent de cracher par terre, délit passible d'une amende, ou de laisser leurs enfants faire pipi en pleine rue, sèment régulièrement la consternation. La ville figure parmi l'une des plus sûres du monde.