Un chauffage qui calculeLes ordinateurs chaufferont-ils bientôt votre maison?
Les besoins en puissance informatique augmentent constamment. Et avec eux la chaleur résiduelle. Un projet de recherche tente de découvrir comment celle-ci pourrait être utilisée le plus efficacement possible pour servir de chauffage et de quelle manière la chaleur résiduelle serait la moins nocive pour l’environnement.
- par
- Jan Graber

Ce centre de données, situé dans le bâtiment de recherche NEST de l’Empa, ne fait pas que calculer, il chauffe également le bâtiment grâce à la chaleur résiduelle.
Imaginez le scénario suivant: dans la cave de votre maison se trouve un petit centre de calcul – une douzaine de serveurs, le tout pas plus volumineux que votre chauffage au mazout. Chez votre voisin comme dans d’autres bâtiments du quartier, il y a la même installation. Les serveurs tournent à plein régime, reçoivent et fournissent des données. De la chaleur se dégage.
Changement de décor. Avec la connectivité des objets, la conduite autonome, la blockchain, l’intelligence artificielle, les besoins en puissance informatique augmentent de manière disproportionnée dans le monde entier. Or, puissance de calcul rime avec consommation d’électricité et chaleur. Les puces peuvent en effet atteindre une température de 100 degrés; elles doivent donc être refroidies et leur chaleur être évacuée.
Dans la plupart des cas, aujourd’hui, la chaleur s’évapore dans l’air – et réchauffe encore un peu plus le climat. Pourquoi ne pas l’utiliser? Par exemple pour chauffer en même temps une maison et l’eau chaude qui y est utilisée? Ou même un quartier entier? Une utopie? Pas du tout, puisqu’un premier projet pilote existe déjà.
Assez pour chauffer un petit immeuble
Mais de nombreuses questions demeurent. C’est à elles que s’intéresse le projet «ECO-Qube», que l’on doit à l’Institut de recherche Empa, à Dübendorf (ZH), en collaboration avec une équipe de recherche européenne. Trois sites du Vieux Continent abritent ce que l’on appelle des «edge data centers» – de petits centres de calcul locaux, comme ceux que vous pourrez peut-être un jour avoir dans votre cave. L’un d’eux se trouve en Turquie, l’autre aux Pays-Bas et le troisième dans le bâtiment d’innovation NEST, à Dübendorf.
Ces trois centres de données sont directement intégrés dans les systèmes énergétiques des quartiers environnants et doivent être alimentés, autant que possible, par des énergies renouvelables. L’objectif: combiner les composants matériels et logiciels à l’aide de l’intelligence artificielle de sorte à utiliser l’énergie et la chaleur résiduelle le plus efficacement possible.
«Un «edge data center» produit environ 20 kW de puissance thermique», explique Philipp Heer, responsable de l’Energy Hub de l’Empa. À l’aide d’un échangeur de chaleur, cela suffirait à chauffer un petit immeuble collectif. «À partir des serveurs, on peut obtenir une chaleur pouvant monter jusqu’à 60 degrés», note-t-il. Seule condition: les serveurs doivent être exploités et refroidis de manière intelligente.

Un centre de calcul comme celui du bâtiment NEST a la taille d’un chauffage au mazout et pourrait un jour le remplacer.
Problème du stockage saisonnier
«La chaleur n’est toutefois pas toujours utilisée là où elle est produite, souligne-t-il. Ou alors le centre de données est à l’arrêt.» C’est pour cette raison que les bâtiments et les centres de données doivent communiquer entre eux grâce à des technologies adéquates. «Il ne s’agit pas seulement d’obtenir le plus grand bénéfice pour le système énergétique, mais aussi le plus petit dommage pour l’environnement», souligne Philipp Heer. Que faire, par exemple, de la chaleur perdue en été? Une solution serait le stockage thermique. «Le problème du stockage saisonnier de l’énergie n’est toutefois pas encore résolu», déplore le spécialiste.
Peut-être qu’«ECO-Qube» apportera des solutions. Le projet, qui se déroulera sur trois ans, est soutenu par le programme de financement de l’Union Européenne «Horizon 2020». Les résultats de cette recherche seront ensuite mis à la disposition des planificateurs et des exploitants de bâtiments. Qui sait, peut-être vivrons-nous un jour dans une maison chauffée à l’aide du traitement des données.