Grande-BretagneLondres examine les futures lois post-Brexit
Pour éviter les écueils, un projet de loi doit permettre de transposer une partie des lois européennes dans le droit britannique.
Le gouvernement britannique a commencé jeudi à défendre son projet de loi pour déterminer quelles lois européennes seront conservées dans le droit national après le Brexit. A Bruxelles, il faisait l'objet de critiques pour sa position dans les négociations avec l'UE.
Ce texte «constitue l'étape la plus importante pour éviter toute rupture brutale pour les entreprises et les citoyens, et maintenir la continuité du cadre légal» britannique, a déclaré la Première ministre Theresa May. Mais plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer la méthode préconisée par le gouvernement conservateur, qui l'autoriserait à décider de modifications sans l'aval des élus.
Multiples vides
Cette «Loi de (retrait de) l'Union européenne» prévoit d'abroger le «European Communities Act» de 1972, qui avait marqué l'adhésion du Royaume-Uni à l'UE et acté la primauté du droit communautaire sur le droit britannique. Elle est vitale pour garantir le Brexit, a déclaré jeudi David Davis, le ministre du Brexit, à l'ouverture du débat au Parlement sur le «Great Repeal Bill».
Mais en rejetant en bloc les «Acquis communautaires», soit l'ensemble des législations européennes qu'il a contribué à élaborer depuis près de 45 ans, le Royaume-Uni s'exposerait à de multiples vides juridiques: plus de 12'000 règlements européens s'appliquent actuellement dans le pays.
Pouvoirs spéciaux
Pour éviter une telle situation, le projet de loi doit permettre de transposer une grande partie des lois européennes dans le droit britannique. Selon des estimations officielles, 800 à 1000 amendements devront être adoptés pour permettre d'intégrer les règles communautaires.
Un nombre que le gouvernement estime trop important pour permettre une procédure parlementaire habituelle. Il sollicite donc des pouvoirs spéciaux pour une durée de deux ans afin de procéder lui-même aux modifications.
Elus spectateurs
Au Parlement de Westminster, bon nombre d'élus voient d'un très mauvais oeil cette extension des pouvoirs de l'exécutif. «Si la loi passe dans sa forme actuelle, les députés se relèguent eux-mêmes au rang de spectateurs, c'est le gouvernement qui aura la main pour échafauder le Brexit comme il le souhaite», a déclaré l'élu travailliste Keir Starmer à la BBC.
Le Labour a annoncé son intention de s'opposer au texte, tout comme le Parti national écossais (SNP), pro-UE et indépendantiste. Ils devraient être rejoints par les Libéraux-démocrates (europhiles), qui rejetteront le projet de loi si leurs amendements ne sont pas adoptés.
Les Parlements d'Ecosse, du Pays de Galles et d'Irlande du Nord, qui disposent de compétences spécifiques, sont également préoccupés de voir le gouvernement récupérer, même temporairement, leurs attributions. Ils devraient chercher à entraver la progression du texte, malgré la promesse de dialogue que leur a adressé l'exécutif.
La cheffe de file du petit parti ultra conservateur nord-irlandais DUP (allié de Theresa May), Anna Soubry, a indiqué que les membres de son groupe devraient soutenir le projet de loi lors du premier vote prévu lundi. Mais elle a défendu la possibilité de présenter des amendements lors de l'examen en commission. «Ça s'appelle la démocratie», a-t-elle déclaré sur la BBC.
Barnier «inquiet»
Ces difficultés s'ajoutent à celles que rencontre le gouvernement britannique sur le front des négociations du Brexit: les divergences sont nombreuses, que ce soit avec Bruxelles ou entre les ministres eux-mêmes.
Le négociateur en chef de l'Union européenne pour le Brexit, Michel Barnier, s'est dit «inquiet» des propositions britanniques sur la question de la frontière entre l'Irlande et l'Irlande du Nord. Selon lui, le Royaume-Uni veut créer une «nouvelle frontière extérieure» de l'UE en Irlande. «Cela n'arrivera pas», a-t-il insisté.
Au Royaume-Uni, plusieurs journaux avancent en outre que la ministre de l'Intérieur Amber Rudd ne partage pas la vision de ses collègues, qui souhaitent mettre fin aux migrations de travailleurs, selon un document officiel qui a fuité dans le Guardian mercredi. (nxp/ats)