Canton de Vaud - Lutte contre le harcèlement à l’école: comment briser l’effet de groupe

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Canton de VaudLutte contre le harcèlement à l’école: comment briser l’effet de groupe

Un élève sur dix âgé de 15 ans subit des intimidations au moins une fois par semaine. Quelque 4,9% des jeunes en sont les auteurs. Un dispositif de lutte est en place.

Si l’on remarque une certaine stabilité du nombre de cas de harcèlement-intimidation entre 2003 et 2017, les conséquences demeurent aussi pour les victimes. 

Si l’on remarque une certaine stabilité du nombre de cas de harcèlement-intimidation entre 2003 et 2017, les conséquences demeurent aussi pour les victimes.

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«L’école doit être un milieu bienveillant, accueillant et serein. Le harcèlement-intimidation entre élèves n’est pas une fatalité, cela se combat», a déclaré lundi la cheffe du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC) Cesla Amarelle, lors d’un point de situation sur la lutte contre ce fléau. Dans le canton de Vaud, un élève sur dix âgé de 15 ans est touché par les phénomènes d’intimidation au moins une fois par semaine, soit deux élèves par classe. Si l’on note une stabilité du nombre de cas entre 2003 et 2017, les conséquences sur la santé, la performance scolaire et le parcours des jeunes qui en sont la cible, demeurent elles aussi.

De quoi parle-t-on?

L’intimidation-harcèlement entre élèves consiste en la répétition de violences ou microviolences – rumeurs, mises à l’écart, surnoms, menaces, violences physiques, pressions mentales –, exercées par un groupe à l’égard d’un élève-cible. Ce dernier, victime, se retrouve dans l’incapacité à se défendre seul, ce qui nécessite par conséquent l’intervention d’un tiers. La pression à la conformité et la peur constituent le ciment de ce groupe. «On privilégie le terme d’«intimidateur» plutôt que de «harceleur» afin de ne pas stigmatiser les élèves», explique Sonia Lucia, cheffe du projet «Harcèlement-intimidation et violences entre élèves: prévention en milieu scolaire» pour la scolarité postobligatoire.

Sensibilisation et formation

Dès 2018, Cesla Amarelle a fixé trois objectifs: prévention, sensibilisation et formation des professionnels de l’école, ainsi que communication avec les parents et élèves. Le dispositif vaudois pour la prise en charge et le traitement des phénomènes de harcèlement-intimidation s’appuie sur la méthode de la préoccupation partagée (MPP), proposée par l’Unité de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire (PSPS).

«La microviolence, c’est aussi bien un élève toujours mis à l’écart lors de travaux de groupe que celui qui ne trouve jamais de partenaire lorsqu’il faut se mettre en colonne par deux», cite en exemple Jennifer Lugon, cheffe du même projet pour la scolarité obligatoire. Imaginée par un professeur en psychologie de l’éducation estonien Anatol Pikas, la MPP vise à briser l’effet de groupe grâce à des entretiens individuels avec l’ensemble des élèves qui auraient participé à l’intimidation, tant les auteurs – 4,9% des jeunes de 15 ans – que les élèves qui en sont témoins.

«Conscientiser l’intimidateur»

Le dispositif comprend donc la formation de la communauté éducative à déceler les cas et la mise en place d’une équipe MPP au sein des établissements. La méthode de la préoccupation partagée, lancée en 2017, contribue à «conscientiser l’intimidateur pour qu’il devienne acteur d’une amélioration de la situation. Le médiateur valorise le changement de comportement de l’auteur», développe Jennifer Lugon. La méthode permet de légitimer la plainte de l’élève-cible, qui sera, lui, accompagné et suivi.

Près d’un tiers des établissements du postobligatoire et 4% issus de la scolarité obligatoire n’ont pas encore intégré le dispositif. Un bilan sera dressé à la fin du déploiement, soit dans les prochains mois. À ce jour, 98% des établissements vaudois qui ont intégré la MPP estiment qu’elle est une plus-value pour le traitement des situations, et 88% de celles-ci sont améliorées avec ladite méthode. Les cantons de Genève, Fribourg, Neuchâtel et Berne en font aussi usage.

Les filles sont davantage des cibles

Selon Sonia Lucia, «il n’y a pas de profil type de l’intimidateur, ni de l’élève-cible». Cependant, celle-ci rapporte que «les filles sont plus touchées par le phénomène que les garçons. Ces derniers sont davantage la cible de violences physiques, tandis que les filles sont davantage concernées par les rumeurs qui circulent à leur égard. Les jeunes qui ont une orientation sexuelle autre qu’hétérosexuelle ont, eux, des risques plus élevés d’être victimes d’harcèlement-intimidation.»

Oser parler

«L’adulte est légitime de sanctionner un élève qui fait trébucher un autre par exemple, mais ces phénomènes prennent souvent des formes bien plus sournoises, au point que l’on ne sache parfois pas qui punir, poursuit Jennifer Lugon. Sans compter que la sanction augmente le risque de représailles et peut être injuste si l’on ne dispose pas de preuves concrètes.»

La cheffe de projet à l’Unité PSPS insiste sur l’importance de la parole pour lutter contre ce fléau. Pour mettre les jeunes à l’aise, la spécialiste estime qu’il faut augmenter leur confiance en l’institution. «Cela passe par les projets de promotion du bien-vivre ensemble, car chacun est responsable du climat de bienveillance et de sérénité dans la classe.» Elle ajoute: «Affûter la connaissance des professionnels en ces phénomènes fait qu’ils sont plus à même de repérer les faisceaux d’indices et d’aller parler aux jeunes. Car plus l’école met en place des stratégies qui conviennent à l’élève, plus ce dernier ose s’exprimer.»

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