Suisse«Mon contraceptif a failli me tuer»
Une Jurassienne de 29 ans a été victime d'une embolie pulmonaire à mi-mars. Son anneau contraceptif est sur la sellette. Elle dénonce le manque d'informations sur ce produit.
- par
- Catherine Bex

L'anneau contraceptif est installé à l'intérieur du vagin durant trois semaines, avant d'être retiré. (Source: dr)
«J'ai vécu trois ans avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.» Porteuse d'un anneau contraceptif depuis 2010, Aurelia a vu sa vie basculer au mois de mars. Dans la nuit du 17 au 18, cette Jurassienne de 29 ans ressent de violentes douleurs dans la poitrine et dans le dos. «J'ai pensé que j'y passais. J'ai indiqué aux ambulanciers que j'étais à dix sur dix sur l'échelle de la douleur.»
La jeune mère de famille est conduite aux urgences de l'hôpital de Delémont. Les médecins qui l'auscultent tentent de comprendre. Calcul dans la vésicule biliaire? Pneumonie? Trois ou quatre jours avant, elle s'est bien sentie essoufflée en pratiquant du sport, mais elle a mis ces symptômes sur le compte de la fatigue. Il faudra une radio des poumons et un scanner pour que le diagnostic tombe: embolie pulmonaire bilatérale. Un problème aux conséquences potentiellement mortelles.
Contraceptif en cause
Cette conseillère en personnel était pourtant en bonne santé avant cet accident. Elle n'est ni sédentaire ni en surpoids. Il n'y a pas non plus d'antécédents familiaux. Après analyses, les médecins écartent la possibilité d'un cancer du sein ou de l'utérus qui auraient pu entraîner une telle réaction.
Le contraceptif NuvaRing que prend la Jurassienne est désormais dans le viseur. «Mon contraceptif a failli me tuer.»
Seul bémol, cette mère de famille fume, ce qui représente un facteur aggravant en cas de prise de contraceptif. Selon Dorothea Wunder, médecin-cheffe du Département de gynécologie et obstétrique du Chuv, la fumée joue toutefois un rôle moins significatif en cas de problèmes veineux, comme dans le cas d'une embolie pulmonaire, que lors de problèmes artériels.
Un cas «atypique»
«C'est atypique de faire une telle réaction après trois ans. Des effets indésirables surviennent souvent dans les premiers mois ou la première année. Ensuite, c'est plus calme», explique la spécialiste. Celle-ci tient toutefois à préciser que le risque zéro n'existe pas: «Même sans contraceptif, des thromboses ou des embolies touchent annuellement près de deux femmes entre 15 et 35 ans sur 10'000. Le risque augmente encore avec l'âge».
Au surplus, la prise d'un contraceptif est moins risqué qu'une grossesse. «Le risque le plus important, c'est la femme enceinte ou celle qui va accoucher. Ce risque perdure même jusqu'à six semaines après l'accouchement, voire davantage en cas de césarienne», constate Dorothea Wunder.
«Je veux informer»
Aurelia dénonce le manque d'informations autour de ce mode contraceptif et aimerait que son cas fasse réfléchir. Elle ignorait que ce médicament rentrait, sur le plan des risques de thrombose et d'embolie, dans la même catégorie que les contraceptifs de troisième génération comme Yasmin. Cette pilule a été épinglée dans la presse pour des embolies pulmonaires qui ont notamment gravement handicapé une Schaffhousoise de 16 ans. «J'aurais peut-être dû me renseigner davantage», déplore la mère de famille. «Mais je ne connais pas d'autres femmes prenant ce médicament.»
Des séquelles
Aurelia n'est pas encore remise. La pointe de son poumon droit est nécrosée. «Je ne récupérai jamais cette partie touchée», précise la jeune femme, qui doit prendre des anticoagulants pour six mois au moins. «Je n'ai toujours pas recouvré ma pleine capacité pulmonaire.»
A fin avril, la Jurassienne a dû refaire un séjour à l'hôpital pour une inflammation de la plèvre, l'enveloppe qui entoure les poumons. «Je n'en ai pas fini avec cette embolie.»
Reportage:
(Source: youtube.com)
Des contraceptifs qui tuent
Selon Swissmedic, entre 1990 et fin décembre 2012, onze cas dembolie pulmonaire mortelle pouvant être associés à la prise de contraceptifs hormonaux ont été annoncés en Suisse. Le premier date de 1991 et le dernier en novembre 2009. Les victimes avaient entre 17 et 49 ans, dont sept avaient moins de 30 ans.
Mais ces cas ne sont que la pointe de liceberg. Tous les accidents liés à des contraceptifs hormonaux ne mènent pas à une issue fatale. Entre 1990 et fin juin 2012, 2181 annonces spontanées deffets indésirables ont été faites auprès de Swissmedic, dont 185 embolies pulmonaires.
Dès la stigmatisation des pilules de troisième génération par la presse, en 2009, Swissmedic a enregistré davantage dannonces spontanées deffets indésirables, bien que ces problèmes soient connus depuis les années 60. Diverses études, notamment en 2012, ont confirmé que les contraceptifs de 3e génération provoquent deux fois plus de thrombose et dembolie que les contraceptifs de 2e génération.
NuvaRing et 3e génération
«Cétait la solution idéale pour moi», explique Aurelia, victime dune embolie pulmonaire après trois ans dutilisation du NuvaRing, un anneau contraceptif. «Je navais plus à penser à la pilule tous les jours et mes règles étaient moins abondantes.»
Sur le site du NuvaRing, un encadré met en garde sur le risque accru de troubles vasculaire-cérébraux en combinant contraceptifs et cigarettes.
Selon pharmaSuisse, lanneau contraceptif NuvaRing a été mis sur le marché en 2003. Sa prescription na cessé de croître depuis lors. Il fait partie de la classe des contraceptifs hormonaux combinés, car il contient des oestrogènes et des progestatifs. En ce sens, il peut être classé dans la catégorie de risques des contraceptifs dits de troisième ou quatrième génération, comme la Yasmin ou la Diane 35, stigmatisées dans la presse après avoir entraîné de graves séquelles chez de jeunes femmes.
Swissmedic a enregistré 249 déclarations deffets indésirables pour le NuvaRing entre 1990 et mi-avril 2013, dont 23 concernaient des thromboses ou des embolies pulmonaires.
Des alternatives existent
Dorothea Wunder, médecin-cheffe au Département de gynécologie et obstétrique du Chuv, appelle à ne pas agir sans réflexion. «Il ne faut pas paniquer et ne pas arrêter son contraceptif, afin d'éviter une grossesse non désirée. Si une femme est inquiète, il faut qu'elle prenne contact avec son gynécologue pour définir un traitement adéquat.»
D'autres solutions existent, comme le stérilet au cuivre, des pilules avec de la progestérone uniquement, des implants ou des piqûres. «Mais chacun a ses effets secondaires, comme le risque accru d'ostéoporose en cas d'injections», constate la doctoresse. Qui tient à tordre le cou à certaines idées reçues: «Le stérilet peut se prescrire à des femmes sexuellement actives. Il n'est pas nécessaire qu'elles aient eu des enfants auparavant».
Depuis 2012, la Société suisse de gynécologie recommande la prise de contraceptifs de 2e génération pour les nouvelles patientes. Pour les patientes ayant déjà un contraceptif de 3e ou 4e génération, «ce n'est pas une faute que de le maintenir, si la femme le supporte bien», conclut Dorothea Wunder.