Maltraitances à Mancy (GE) – «Mon enfant n’a jamais été vu par un psy après les faits»

Publié

Maltraitances à Mancy (GE)«Mon enfant n’a jamais été vu par un psy après les faits»

Le Conseil d’État genevois assure que les victimes de violences au foyer pour jeunes autistes se portent bien physiquement. Les parents dénoncent de «l’amateurisme» et un manque d’investigations réelles.

Leïla Hussein
par
Leïla Hussein
Des actes de violences commis par des membres du personnel sur des enfants du foyer de Mancy ont récemment été révélés.

Des actes de violences commis par des membres du personnel sur des enfants du foyer de Mancy ont récemment été révélés.

TDG – Lucien Fortunati

Les victimes du foyer de Mancy «se portent bien d’un point de vue physique». C’est ce que le Conseil d’État genevois a fait savoir vendredi. Répondant à une question écrite urgente (lire encadré), il est enfin sorti de son silence au sujet de l’état de santé des jeunes qui auraient subi des maltraitances dans l’établissement pour enfants autistes. Privation de nourriture, séquestration, surmédication. Après les révélations de violences commises par des membres du personnel, le centre serait de nouveau sous contrôle, selon les autorités cantonales. Parents et spécialistes ont réagi à la réponse du gouvernement rédigée sur presque trois pages.

Quid de la santé mentale?

Les jeunes vont bien… physiquement. Mentalement, c’est une autre histoire. Leur santé mentale «est conditionnée par l’intensité du trouble dont ils souffrent, ainsi que par la capacité de l’équipe éducative et thérapeutique qui les accompagne à comprendre leurs manifestations et à adapter son intervention», écrit le Canton.

Des propos qui ne convainquent pas la maman d’un enfant ayant potentiellement subi des maltraitances graves et répétées. «C’est très léger comme réponse. On ne peut pas simplement dire que c’est compliqué de savoir s’ils vont bien psychologiquement parce qu’ils sont autistes ou qu’ils ont des troubles graves. Ils devraient prendre de réelles mesures pour s’assurer de leur bien-être psychique.» Un travail qui n’a pas été entrepris, assure-t-elle. «Mon enfant n’a jamais été vu par une équipe médicale ou des psychologues spécialisés en autisme après les révélations.»

«Un amateurisme ambiant»

Les parents non plus n’ont pas eu le droit à un soutien. «Aucune cellule de crise n’a été mise en place pour nous épauler. Absolument rien n’a été fait pour soutenir les familles qui ont été fortement ébranlées. En revanche, on a été sollicitées pour répondre à des questions pour des rapports qui servent d’argument de défense aux personnes critiquées», s’insurge la maman.

«À ce jour, parmi les huit jeunes âgés de 10 à 18 ans accueillis au foyer de Mancy, six étaient déjà hébergés et auraient pu être victimes de maltraitances», détaille le gouvernement. Deux autres enfants concernés n’y sont plus: l’un est devenu adulte, l’autre est retourné à son domicile. Ce dernier est toutefois encore scolarisé dans une école spécialisée de l’Office médico-pédagogique (OMP). «Selon les retours des équipes et des parents, cela semble bien se dérouler.»

Une régression irrattrapable

À la lecture du texte, une mère tique. «Semble bien se dérouler? Est-ce suffisant? Le mot «semble» témoigne de l’amateurisme qui règne. Si on creuse davantage et qu’on s’intéresse vraiment aux enfants, peut-être qu’on aura un autre son de cloche.» À ses yeux, rien ne sera comme avant. «Mon enfant va mieux, mais il revient de l’horreur. La régression subie est probablement irrattrapable. Ça fait trois ans qu’on nous dit que maintenant ça va bien. On n’a plus tellement d’espoir.»

«Personne ne parle des victimes»

Personnel insuffisant et pas assez formé

«L’équipe pluridisciplinaire du foyer est composée de onze éducateurs, d’un assistant socioéducatif, d’infirmiers (dont on ne précise pas le nombre, ndlr), d’une médecin responsable thérapeutique, de cinq veilleurs de nuit et d’un pool de remplaçants fixes (…). Les membres de l’équipe actuelle, bien que pour la plupart récents au sein du foyer, disposent d’expériences professionnelles antérieures et de compétences qui permettent d’offrir une prise en charge empathique, bienveillante et professionnelle des jeunes.»

La directrice d’Autisme Genève, Elvira David-Coppex, n’est pas du même avis. «Ils ont des personnes motivées, mais pas assez nombreuses et toujours pas assez formées. C’est un métier extrêmement exigeant. Travailler avec des jeunes autistes, ça ne s’improvise pas.» Les modifications de routine répétées liées au nombre important de remplacements constituent aussi un problème. «Avoir une structure, c’est un besoin fondamental pour ces enfants. Sans ça, les troubles du comportement s’aggravent.» Enfin, l’ambiance au sein de l’établissement semble toujours tendue. «Les conditions ne sont pas encore réunies pour que l’équipe soit totalement sereine dans son travail», conclut la spécialiste.

«Des belles promesses»

Ton opinion