Opposition suisse à une centrale hydroélectrique italienne
Le projet d'une petite centrale hydroélectrique sur le côté italien de la rivière Isorno, à deux pas du Tessin, crée des tensions entre les communes de Craveggia (I) et Onsernone (TI).
Un député italien de droite parle de «crise diplomatique.»
L'idée de capter les eaux de la rivière Isorno au-dessus de la commune de Bagni di Craveggia dans le Val Vigezzo (Piémont) et de les convoyer au bas de la vallée où elles seraient transformées en énergie électrique est en discussion depuis plusieurs années.
Le projet est contesté par le canton du Tessin, la Confédération et la commune d'Onsernone où une manifestation de protestation a été organisée par la population il y a une dizaine de jours. Les oppositions sont principalement d'ordre écologique. Une étude d'impact sur l'environnement a d'ailleurs été commandée.
Interrogation au Conseil national
Au niveau politique, le conseiller national Fabio Abate (PRD/TI) a déposé une interpellation devant le Parlement afin que Berne intervienne contre la construction de cette mini-centrale. En vacances jusqu'à la fin du mois, M. Abate n'a pas pu être atteint vendredi pour une prise de position.
Du côté italien, le député d'Alliance Nationale (AN, ex-parti fasciste) Marco Zacchera a évoqué le «risque d'une crise diplomatique entre l'Italie et la Suisse.» Cité jeudi par l'agence italienne de presse Ansa, il a indiqué qu'il allait demander «l'intervention de Massimo D'Alema, ministre italien des affaires étrangères».
Marco Zacchera reproche à la commune d'Onsernone (TI) d'avoir demandé à celle de Craveggia (I), la restitution de la clé de la barrière fermant la route forestière. De la localité de Spruga (TI), celle-ci est l'unique voie d'accès à Bagni di Craveggia où se trouve une source thermale et où devrait être construite l'installation de captation des eaux.
Route forestière fermée
Le député d'AN prétend que les Tessinois ont pris cette décision pour «protester contre la construction de la centrale hydroélectrique.» Une version réfutée par Vasco Gamboni, professeur d'histoire au Lycée de Locarno et président de l'Association «Amis de Comologno», un village du Val Onsernone, qui se consacre depuis plusieurs années à la sauvegarde de la zone.
«Par la route, Bagni di Craveggia n'est accessible qu'en passant par Spruga, au sommet du Val Onsernone», a expliqué Vasco Gamboni à l'ATS. «Or cette route est en fait un chemin forestier, qui appartient à un consortium regroupant le canton, la commune, la bourgeoisie et plusieurs associations.»
Depuis sa réouverture au début des années 80, après les glissements de terrain qui l'avaient endommagées en 1978, cette voie est fermée par une barrière munie d'une clé à disposition des membres du consortium uniquement.
«Un privilège»
Le professeur d'histoire souligne qu'»au vu des relations de bon voisinage, la clé avait été mise gratuitement à disposition de Craveggia.» La commune italienne a donc eu librement et gratuitement accès à la route.
«Il s'agissait d'un privilège», souligne Vasco Gamboni, «qu'Onsernone a retiré à ses voisins lorsque ceux-ci ont accepté un projet prévoyant le prélèvement des eaux de l'Isorne aussi sur sol tessinois.»
Le professeur et président de l'Association «Amis de Comologno» rappelle qu'en 1944, des soldats nazis et fascistes avaient tiré contre des partisans italiens à Bagni di Craveggia, faisant un mort et des blessés sauvés par les Suisses et soignés à Locarno. «Je trouve donc honteux qu'aujourd'hui un député d'AN, d'obédience fasciste, se permette de soulever une telle polémique.»
Le député en question a précisé jeudi qu'il avait aussi averti l'ambassade italienne à Berne. Contactée vendredi par l'ATS, l'ambassade a déclaré: «nous suivons le cas avec attention mais, pour l'heure, ne pouvons pas prendre officiellement position.» (ats)