Genève«Parader en ville avec sa voiture, c’est terminé!»
Les Genevois ont accepté de supprimer 4000 places de parc pour favoriser la mobilité douce au centre-ville. La stratégie du Conseil d’État est confortée.

- par
- Jérôme Faas

L’État veut favoriser la mobilité douce au centre-ville en réalisant des aménagements nécessitant la suppression de places de stationnement.
Qui l’eût cru? Genève, ce canton si friand de «guerre des transports», a trouvé une large majorité (58,55%) autour d’un projet lié à la mobilité. Dimanche, le peuple a approuvé la suppression, à terme, de 4000 places de parking en surface. La mesure permettra d’effectuer des aménagements pour les transports publics et la mobilité douce au centre, tout en réalisant une moyenne ceinture destinée au trafic automobile. La stratégie du Conseil d’État, qui avait su fédérer tous les partis (hormis l’UDC et le MCG) autour de sa vision, est validée. «Nous sommes très satisfaits, a commenté le conseiller d’État PDC Serge Dal Busco. Nous jugions que, sans cette loi, il nous aurait fallu 20 à 25 ans pour mettre en œuvre la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée voulue par le peuple en 2016. Là, nous estimons pouvoir diviser ce temps par quatre.»
«Poursuivre plus franchement»
Dans le sillage de son conseiller d’État, la présidente du PDC Delphine Bachmann pavoise. «C’est génial, il s’agit d’un signal clair en faveur de la politique de la mobilité que mène Serge Dal Busco. C’est une belle victoire pour la population et les entreprises: la route doit être offerte à ceux qui en ont vraiment besoin. Nous sommes dans le monde d’après! Parader en ville avec sa voiture, c’est terminé. La voiture n’est plus un modèle de succès. Beaucoup de jeunes ne passent plus leur permis. On est sur la bonne voie.»
La Verte Lisa Mazzone, présidente de l’Association transports et environnement, est tout aussi ravie. «C’est un bon signal pour trouver des solutions en matière de mobilité. Ceux qui ont brandi la guerre des transports devraient se réjouir qu’émergent des fronts communs. On va pouvoir réaliser de nouveaux aménagements à la suite de ceux déjà réalisés pour le Covid (ndlr: les pistes cyclables, notamment). Ce résultat constitue un appel à poursuivre dans cette voie plus franchement.»
«Il faut savoir être courageux»
Alors qu’il était envisageable que la création de ces fameuses «pistes Covid», qui ont tant fait jaser, plombent le Conseil d’État, il n’en a rien été. «Je crois qu’elles ont montré que parfois, il faut savoir être courageux», analyse Lisa Mazzone, adepte des options tranchées en la matière. «Quand on ménage la chèvre et le chou, finalement, tout le monde est insatisfait.» «Il faut profiter de cette votation pour aller de l’avant, réclame le député d’Ensemble à Gauche Jean Batou, et favoriser à tout prix les transports publics et le vélo. Débarrasser la ville de l’automobile implique des choix courageux, notamment en matière de tarif des TPG. À notre sens, il faut introduire la gratuité.»
Le PLR veut la traversée du lac
Pour la vice-présidente des socialistes Caroline Marti, cette votation démontre que «les habitudes et les attentes de la population changent. Le stationnement n’est plus un sujet tabou.» Et de souligner l’importance «d’une large coalition de partis, synonyme de succès». Le président du PLR Bertrand Reich salue ainsi ce résultat, «que nous avons voulu». Mais il n’y voit pas un blanc-seing pour la suite. «Nous resterons très attentifs à la situation des commerçants. Le PLR a joué le jeu, il attend maintenant des autres partis qu’ils remplissent leur part de marché, notamment en réalisant la traversée du lac.»
Du côté des perdants, soit le TCS, le MCG et l’UDC, l’inquiétude pour les petits commerçants et la vie économique est vive. «Une forte minorité a manifesté son inquiétude face à la suppression de 4000 places de parking, a réagi François Membrez, le président du TCS genevois. Nous appelons les autorités à faire preuve de parcimonie et de modération. Alors que nous avons devant nous la plus grave crise économique depuis la Seconde Guerre mondiale, il faut faire attention et protéger la population et les commerçants.» Francisco Valentin, qui dirige le MCG, redoute aussi la suite. «L’avenir paraît sombre pour les indépendants. Tout ce qui était provisoire va devenir définitif. La plupart des entreprises du centre-ville vont devoir s’expatrier.»
L’UDC veut limer l’impôt auto
C’est l’UDC qui manifeste la plus vive colère. «C’est un véritable scandale! Que vont devenirs nos commerçants, artisans, livreurs? Que devient le libre choix du mode de transport? A Genève, l’État s’assoit sur cette liberté individuelle au nom de sa politique antivoiture», écrit le parti dans un communiqué. Il y annonce, dans la foulée, le dépôt d’une initiative «dans les prochains jours» afin de réduire de moitié l’impôt sur les véhicules. Dimanche après-midi, le conseiller d’État Serge Dal Busco a tenté de calmer ces inquiétudes. «Le Conseil d’État sera particulièrement attentif à ce que la mise en œuvre des aménagements routiers ne désavantage pas les commerçants et le trafic professionnel. Nous pensons que les routes bénéficieront à ceux qui n’ont pas d’alternative pour se déplacer.»