Croatie Personnes LGBT persécutées: leur santé mentale est en danger
Dans ce pays à grande majorité catholique, 25% des Croates de la communauté LGBTQ ont été agressés physiquement. Ces discriminations alimentent de graves inquiétudes également pour leur psychisme.

La Gay Pride de Zagreb en 2022.
Viktor Zahtila a compté: il a été agressé plus d’une dizaine de fois. Sa faute, être gay en Croatie, où les discriminations contre les membres de la communauté LGTBQ sont rampantes et alimentent de graves inquiétudes pour leur santé mentale.
Ce réalisateur de courts métrages de 38 ans, pionnier de la lutte pour les droits des personnes LGBTQ dans le petit pays conservateur des Balkans, explique que la plupart des agressions ont été commises dans la capitale Zagreb.
Mais il a également subi ainsi que son petit ami de l’époque un passage à tabac extrêmement violent dans une localité touristique de la côte Adriatique voici deux décennies.
«Si un type à l’air macho me croise dans la rue, mon cœur se met à battre plus vite, je deviens pâle, paralysé»
«Littéralement… Ils nous ont massacrés», raconte-t-il. «Cela a duré si longtemps que je m’étais dit, c’est la fin, je ne vais pas survivre». Cette agression et d’autres sont à l’origine d’un stress post-traumatique qui l’a longtemps affligé.
«Si un type à l’air macho me croise dans la rue, mon cœur se met à battre plus vite, je deviens pâle, paralysé», dit-il. «Au bout d’un moment, je me rends compte que c’est juste un type qui passe par là mais j’ai l’impression d’avoir reçu un coup de poing dans le ventre».

Viktor Zahtila est réalisateur de courts métrages et pionnier de la lutte pour les droits des personnes LGBTQ en Croatie.
Ce genre d’expérience n’est pas rare en Croatie. Selon une étude publiée le mois dernier, la première du genre dans le pays à grande majorité catholique, 25% des Croates de la communauté LGBTQ ont été agressés physiquement.
Des données alarmantes
Le rapport relevait également que près des trois quarts des membres de la communauté LGBTQ interrogés avaient eu des pensées suicidaires et plus de 15% ont fait des tentatives de suicide.
«On savait que les chiffres allaient être inquiétants mais c’était quand même une très mauvaise surprise», souligne Daniel Martinovic, porte-parole de Familles Arc-en-Ciel, l’ONG autrice de l’étude. «Ils sont alarmants», dit-il, ajoutant que les données laissent à penser qu’une grande partie de la communauté subit des niveaux élevés de stress.
L’étude relève aussi que les trois quarts des LGBTQ ont subi des discriminations flagrantes, au travail, dans les institutions publiques et les établissements médicaux.
Mariage gay illégal
Au cours des dix dernières années, les droits de la communauté gay se sont progressivement améliorés dans le pays membre de l’Union européenne.
Si le mariage entre personnes du même sexe reste illégal, des couples peuvent se déclarer «partenaires dans la vie» depuis 2014, un statut qui leur accorde quasiment les mêmes droits que ceux des couples hétérosexuels mariés.
Malgré tout, les traditions ont la vie dure en Croatie, société fondée sur le patriarcat. Les groupes ultra-conservateurs y font régulièrement campagne contre l’avortement et les droits de la communauté LGBTQ. Ils ont réussi en 2013 à lancer un référendum qui a débouché sur l’interdiction du mariage gay.
Pour l’ONG Zagreb Pride, cette mesure a laissé le champ libre «à un environnement politique et social négatif» favorable aux discriminations et aux attaques.
Très lourd pour la communauté trans
Diana Avdic, une femme trans qui vit à Zagreb explique que la discrimination fait partie de son quotidien. Elle a subi «un coup violent» quand elle a révélé son identité sexuelle à l’Université de Zagreb, où elle étudie la médecine et que les autres étudiants ont pris leurs distances. Les choses se passent mal également en dehors de l’université. Une fois, à la mairie, un fonctionnaire a refusé de lui fournir un formulaire pour enregistrer son nouveau prénom et l’a accusée de vouloir «tromper le monde». Mais à la différence de nombreux LGBTQ en Croatie, elle est soutenue par sa famille, un répit bienvenu.