Brésil: Petrobras: Odebrecht va coopérer avec la justice

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BrésilPetrobras: Odebrecht va coopérer avec la justice

Le géant du BTP va coopérer avec la justice dans le cadre de l'enquête sur l'énorme scandale de corruption Petrobras.

Reuters

Le Brésil a replongé dans une zone périlleuse de turbulences politico-judiciaires jeudi avec la mise en accusation du président du Sénat pour détournements de fonds et la conclusion d'un pacte de collaboration explosif avec le géant du BTP Odebrecht dans le cadre de l'enquête Petrobras.

La Bourse de Sao Paulo a plongé de 3,88%, les marchés s'alarmant de ces tensions qui font tanguer le gouvernement du président Michel Temer, engagé dans une laborieuse tentative de redressement économique du géant émergent d'Amérique latine, embourbé depuis 2015 dans une récession historique.

La plus haute juridiction du pays, le Tribunal suprême fédéral (STF) a décidé que le président du Sénat Renan Calheiros serait jugé pour détournements de fonds publics, comme le voulait le parquet.

Une vieille affaire

Troisième personnage de l'Etat, Renan Calheiros, membre du parti de centre-droit PMDB du président Temer, a mené ces derniers jours la fronde des parlementaires contre le pouvoir judiciaire et les enquêteurs du scandale de corruption Petrobras.

Il sera jugé pour une vieille affaire remontant à 2007, l'un des douze procédures judiciaires le visant, dont huit concernent directement l'énorme scandale de détournements de fonds au sein du géant pétrolier étatique Petrobras.

Sa mise en accusation porte un nouveau coup dur au président Michel Temer, coincé entre la nécessité de maintenir la cohésion de sa coalition parlementaire pour faire adopter son programme d'austérité, et sa promesse de ne pas entraver le cours des affaires judiciaires visant des dizaines de députés et sénateurs.

Michel Temer a succédé à la présidente de gauche Dilma Rousseff, destituée fin août par le sénat pour maquillages des comptes publics, au terme d'une procédure controversée et d'une longue crise politique d'ampleur historique qui a mis fin à 13 ans de gouvernements de gauche du Parti des Travailleurs (PT).

Cette crise avait également emporté à l'automne l'ancien sulfureux président de la chambre des députés Eduardo Cunha, également membre influent du PMDB, qui a été écarté de ses fonctions, inculpé pour corruption et placé en détention dans le cadre de l'affaire Petrobras.

6800 milliards de réais d'amende

Quelques minutes avant la mise en accusations du président du Sénat, le géant du BTP brésilien Odebrecht, au coeur du scandale Petrobras, a officialisé un accord de collaboration avec les enquêteurs qui fait trembler toute la classe politique sur ses bases.

Le groupe Odebrecht, qui avait formé un cartel avec ses concurrents pour truquer les juteux marchés de sous-traitance de Pétrobras, s'est engagé à payer une amende de 6800 milliards de réais (2 milliards de dollars).

Au total, 77 anciens dirigeants et cadres d'Odebrecht, dont l'ancien PDG Marcelo Odebrecht, ont commencé jeudi à signer des accords individuels de collaboration en échange de remises de peine. Leurs dénonciations, négociées dans le plus grand secret ces derniers mois, viseraient au moins 130 hommes politiques de tous bords.

En mars, les enquêteurs du dossier Petrobras avait découvert chez Odebrecht une comptabilité secrète où était recensés sous des noms codés tous ses versements effectués au profit de 200 hommes politiques appartenant à 24 partis, lors des élections municipales de 2012 et les élections générales (présidentielles, législatives, sénatoriales) de 2010 et 2014.

Crise institutionnelle

L'imminence de l'explosion de la bombe à retardement Odebrecht a déchaîné ces derniers jours les tensions entre la classe politique et le pouvoir judiciaire, qui ont viré à la crise institutionnelle. Les députés ont ainsi adopté mercredi à l'aube en première lecture un paquet de mesures anti-corruption vidées de leur substance par de nombreux amendements.

Ils ont provoqué la fureur des magistrats en introduisant en catimini un amendement prévoyant des peines de deux ans d'emprisonnement pour les juges et procureurs qui se rendraient coupables d'abus d'autorité dans l'exercice de leurs fonctions.

Les procureurs du dossier Petrobras ont menacé en retour de démissionner en bloc si cette mesure visant selon eux à les museler était votée par les deux chambres et promulguée par le président Temer. Cela n'a pas empêché M. Calheiros de tenter de passer en force en tentant de faire voter en urgence ce texte mercredi soir. Une manoeuvre qui a finalement avorté.

Manifestations prévues dimanche

Quelques jours plus tôt, les députés avaient déjà tenté de faire passer une amnistie déguisée des financements occultes des campagnes électorales.

Face à la vindicte populaire sur les réseaux sociaux, le président Temer avait improvisé dimanche une conférence de presse avec les présidents des deux chambres pour éteindre l'incendie en jurant qu'il ne cautionnerait «rien de cette nature».

Des manifestations en défense des juges anti-corruption sont convoquées dimanche au Brésil par l'un des mouvements citoyens qui avaient mobilisé des centaines de milliers de Brésiliens au printemps contre Dilma Rousseff. (nxp/afp)

(NewsXpress)

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