Coronavirus en SuissePolémique quant à la préparation estivale face à la deuxième vague
Le virus a commencé à regagner du terrain dès le mois de juin, à la suite de l’assouplissement des mesures. Une réaction hésitante du Conseil fédéral n’aurait pas arrangé les choses, selon la presse dominicale.

L’erreur de la Suisse a été de laisser gonfler le nombre de cas au cours de l’été, selon des experts.
C’est au cœur de l’été que la Suisse a mal géré la deuxième vague de coronavirus, selon une analyse du «Matin Dimanche», qui a eu accès aux procès-verbaux de la task force Covid-19 du Conseil fédéral. Le dispositif prévu au printemps pour empêcher un tel scénario n’a jamais fonctionné correctement. La Confédération a réagi de manière hésitante, freinée par l’absence de soutien politique à de nouvelles restrictions et par son manque de données fiables sur la dynamique de l’épidémie.
Encouragé par le faible nombre de nouveaux cas de Covid-19 enregistrés au début juin, le gouvernement fédéral a autorisé le 22 du même mois les réunions de plus de 30 personnes en extérieur, de même que les manifestations de moins de 1000 personnes. Dès ce moment, le virus a commencé à regagner du terrain.
«Si rien n’est fait, il y aura une troisième vague»
Pour plusieurs experts interrogés par le journal, l’erreur de la Suisse a été de laisser gonfler le nombre de cas au cours de l’été, sans trop s’inquiéter. Or, dès juin, le taux de reproduction du virus est resté supérieur à 1, ce qui signifie que l’épidémie progressait à nouveau. «En juin, juillet, on a vu une croissance très lente des cas. [...] Ces chiffres auraient dû nous avertir que, même en été, on n’a pas réussi à ramener l’épidémie sous contrôle», a estimé l’épidémiologiste Emma Hodcroft, de l’Université de Berne.
Samedi, dans les colonnes des journaux du groupe CH Media, David Nabarro, délégué de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour le coronavirus, a dénoncé l’absence de mise en place d’infrastructures «nécessaires» durant les mois estivaux. Si rien n’est fait, il y aura une troisième vague au début de l’année 2021, a-t-il déclaré.
Lukas Engelberger, le président de la Conférence des directeurs cantonaux de la santé (CDS), a pour sa part pris la défense des autorités. Il a estimé dans la «SonntagsZeitung» qu’il était légitime d’imaginer un scénario positif durant l’été. Il a cependant admis qu’il pouvait imaginer qu’un trop grand relâchement ait permis de raviver le feu qui couvait sous la cendre. Même son de cloche pour la directrice de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Anne Lévy a concédé dans les colonnes du «SonntagsBlick» que personne ne s’attendait à ce que les chiffres augmentent aussi rapidement. Mais elle a également balayé les critiques: «Peu importe à quel point on se prépare, à la fin on n’est pas prêt à tout.»
Polémique
De son côté, le conseiller fédéral Ueli Maurer a jugé samedi dans l’émission «Samstagsrundschau» de la SRF que la voie choisie par les autorités était la bonne. Il rejette les accusations affirmant que la crise a échappé à tout contrôle.
M. Maurer a suscité la polémique, notamment sur les réseaux sociaux, en indiquant que le nombre élevé de décès lors de la deuxième vague fait partie d’un «risque consciemment pris» dans une logique de «pesée d’intérêts». Si la santé est «incontestablement» importante, l’économie et la vie sociale doivent aussi pouvoir se poursuivre, a-t-il déclaré.
Anne Lévy écarte l’idée de sacrifier les personnes âgées pour faire tourner l’économie. Elle pense que la Suisse ne se trouve pas dans une situation beaucoup plus mauvaise que le reste de l’Europe, même si chaque décès prématuré est «une mort de trop, tragique et qu’il faut éviter». Lukas Engelberger trouve lui qu’il est trop tôt pour juger, qu’on ne sait pas encore si la situation en Suisse sera au final vraiment pire.