FribourgPour se soigner de l'alcool, ils fabriqueront leur bière
Un centre d'accueil pour toxicodépendants veut créer une brasserie. Il entend ainsi responsabiliser les usagers en leur permettant de s'approprier la boisson.
- par
- Caroline Gebhard
Ils ont déjà La Trampoline, une blonde avec laquelle ils sont les seuls à trinquer. L'an prochain, les toxicodépendants qui fréquentent le centre de jour Au Seuil, près de la gare de Fribourg, pourraient disposer de leur propre brasserie. Renforcer leur respect du produit en leur permettant de donner corps au breuvage: c'est là l'objectif visé par la fondation Le Tremplin, qui vient en aide aux personnes en situation d'addiction.
«On ne les considère pas seulement comme des polytoxicomanes ou des alcooliques, mais aussi comme des consommateurs normaux», souligne Cédric Fazan, directeur du Tremplin. En associant les usagers du centre à la confection des bières, la fondation gage qu'ils se responsabiliseront face à leur consommation. C'est d'ailleurs déjà le cas depuis qu'ils boivent La Trampoline, cette mousse créée spécialement pour eux (lire encadré): «Ils ne sont plus seulement dans la consommation compulsive, ils sont dans la notion de plaisir. C'est leur bière et ils la dégustent!» Un mois après sa mise en vente au Seuil, l'absorption d'alcool n'a pas augmenté. Et les liens sociaux se sont resserrés entre les habitués et ceux qui les encadrent: «Le point fort, c'est qu'on a pu aborder la question de la consommation différemment», note Cédric Fazan.
Fabriquer de la bière dans un lieu qui accueille les malades de l'alcool: l'idée a déjà séduit la Ville de Fribourg, qui a octroyé une subvention de 10 000 fr. pour la création de la brasserie. Elle a également titillé un professeur de sociologie à l'Université de Fribourg, qui va suivre le projet de près.
Breuvage sur-mesure
«Une bière forte en goût et faible en teneur d'alcool»: c'est ainsi que Le Tremplin décrit sa mousse, La Trampoline. Réservée à la fondation, elle a été développée en collaboration avec la brasserie artisanale du Chauve, à Fribourg. N'excédant pas 4,5%, elle est proposée à 1 fr. le verre de 2,5 dl. afin de rester attractive sur le plan financier. Tout l'enjeu est en effet de détourner les habitués des bières vendues à prix cassés par les commerces de détail, bien plus fortes et bien plus nuisibles à la santé.
Tolérer la boisson pour réduire les nuisances
Inauguré en 1994, Le Seuil a commencé à se repositionner en mars dernier en autorisant les usagers à boire de l'alcool en ses murs. Cette décision a permis de réduire les nuisances aux abords immédiats du bâtiment, où les habitués s'agglutinaient pour s'enivrer. En quelques mois, les altercations qui éclataient régulièrement entre eux ont diminué. «Depuis qu'ils ont accès à une bière moins forte, il y a eu une nouvelle baisse de la violence», indique Cédric Fazan, qui ajoute que les désagréments ne se sont pas reportés à l'intérieur du centre.