Quand ils sont en danger, les gibbons chantent
Pas pour se rassurer, mais pour prévenir leurs compères de la présence d'une menace.
C'est la conclusion à laquelle sont parvenus des scientifiques étudiant cet animal en Thaïlande: selon eux, c'est la première fois qu'un tel type de comportement est détecté chez des primates non-humains.
Plusieurs recherches ont déjà établi que de nombreux animaux utilisent des sons s'apparentant à des chants pour s'accoupler ou signaler un danger, mais, selon ses auteurs, l'étude publiée ce mois-ci dans la revue américaine «PLos» (Public Library of Science) est la première à montrer ce genre de comportement chez les gibbons, grand singe vivant dans les arbres.
«Ces travaux sont vraiment un bon indicateur du fait que des primates non-humains sont capables d'utiliser des combinaisons de cris pour relayer des informations nouvelles, et dans ce cas potentiellement vitales, entre eux», explique Esther Clarke, étudiant-chercheur à l'université de St. Andrews (Ecosse) et co-auteur de l'étude.
«Ce type de communication référentielle est très commun dans le langage humain, mais il reste encore à être démontré à grande échelle chez certains de nos parents les plus proches, les grands singes», précise-t-elle.
Pour rédiger cette étude, Esther Clarke a passé deux ans dans le Parc national de Khao Yaï en Thaïlande, en compagnie de deux autres scientifiques (Klaus Zuberbuhler de l'université de St. Andrews et Ulrich Reichard de l'Institut Max Planck en Allemagne) pour observer des groupes de gibbons à main blanche.
Les gibbons sont connus pour les sons qu'ils émettent dans les forêts où ils vivent, notamment pour attirer un partenaire en vue d'un accouplement. Pour tester leur réponse au danger, les scientifiques ont réalisé une série d'expériences au cours desquelles ils ont placé des répliques de prédateurs (panthères des neiges, pythons, aigles) à proximité de l'un de leurs groupes. Ils ont ensuite enregistré les sons émis face à cette menace fictive.
Selon Esther Clarke, ils ont alors découvert que les gibbons s'approchaient du prédateur potentiel et émettaient une série de sons («wa», «wow» et «hou»), aussitôt relayés par d'autres gibbons à l'ensemble du groupe.
Ces sons sont plus chaotiques et puissants que lorsque les gibbons cherchent à s'accoupler, selon Esther Clarke. «Les gibbons peuvent arranger leurs chants en fonction des circonstances, tout comme nous le faisons, nous», conclut-elle.
Pour Thad Bartlett, cette découverte est très intéressante. Ce spécialiste des gibbons à l'Université du Texas voit dans cette «capacité à réarranger des éléments discrets pour leur donner un nouveau sens» une similitude avec le langage humain.
Il estime également que cette étude permet de mieux cerner le comportement des gibbons en contredisant de précédents travaux selon lesquels la petite taille du noyau social des gibbons -un mâle, une femelle et leurs petits- résulterait du peu de menaces auxquelles ils sont confrontés.
«La grande taille d'un groupe étant souvent vue comme une réponse à la pression de prédateurs, les chercheurs ont supposé pendant longtemps que les gibbons étaient en grande partie à l'abri de prédateurs», explique-t-il. «A mon avis, cette recherche montre plus précisément l'importance de la pression des prédateurs sur l'évolution du système social des gibbons». (ap)