ItalieRome annonce un tour de vis migratoire
Une loi instaurant un durcissement de la politique de migration a été adoptée par le conseil des ministres italiens. Elle devra encore être signée par le président.
Le gouvernement italien a adopté lundi une série de mesures draconiennes promises par l'extrême droite pour renforcer la sécurité et limiter l'immigration clandestine, malgré de fortes résistances internes et externes.
«C'est un pas en avant pour rendre l'Italie plus sûre. Pour combattre avec plus de force les mafieux et les passeurs, pour réduire les coûts d'une immigration exagérée, pour expulser plus rapidement les délinquants et les faux demandeurs d'asile, pour révoquer la citoyenneté aux terroristes, pour donner plus de pouvoirs aux forces de l'ordre», s'est réjoui le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini (extrême droite).
Le gouvernement n'a pas rendu public dans l'immédiat ce texte, qui doit entrer en vigueur dès qu'il aura été signé par le président Sergio Mattarella, puis approuvé dans un délai de 60 jours par le Parlement. Mais M. Salvini et le chef du gouvernement, Giuseppe Conte en ont présenté les grandes lignes à la presse.
Les permis de séjour humanitaires doivent devenir exceptionnels, réservés à quelques cas de victimes d'exploitation ou de calamité naturelle, de personnes ayant besoin de soins exceptionnels ou mené des actes héroïques.
Le ministre de l'Intérieur italien Matteo Salvini et le ministre des Affaire étrangères luxembourgeois Jean Asselborn se sont répondus de manière virulente lors d'une conférence à Vienne.
En 2017, les commissions d'asile ont rendu 81'500 décisions : l'asile pour 8% des cas, la protection subsidiaire pour 8% et le permis de séjour humanitaire pour 25%, tandis que les autres demandes ont été rejetées.
Retour aux grands centres
Même s'il n'existe pas de statistiques à ce sujet, une partie de ces déboutés ont déposé un recours, et les juges accordent fréquemment la protection humanitaire. Selon la presse italienne, le texte prévoyait cependant de limiter les recours en révoquant l'aide juridique gratuite en cas de rejet.
Le texte prévoit aussi la suspension de la demande d'asile si le demandeur se montre «dangereux» ou a fait l'objet d'une condamnation en première instance, a expliqué M. Salvini.
Il réorganise le système d'accueil des demandeurs, qui sont encore 155'000 et seront regroupés dans de grands centres, les efforts de répartition dans des petites structures sur le territoire pour favoriser l'intégration étant réservés aux mineurs isolés et aux réfugiés reconnus.
Mais l'association des maires italiens s'est insurgée contre cette mesure, alors que les grands centres d'accueil hébergeant des centaines de migrants oisifs - qui doivent être libres de leurs mouvements selon le droit international - représentent un cauchemar pour les petites communes où ils sont implantés.
Dans le volet sécurité, le texte généralise l'utilisation des pistolets électriques, y compris par les policiers municipaux, et réorganise la gestion des biens de la mafia placés sous séquestre. Il favorise l'évacuation des bâtiments occupés en supprimant l'obligation de proposer un hébergement alternatif provisoire aux personnes vulnérables.
«L'immigré est déjà jugé»
«La question rom n'est pas dans le décret, sinon vous imaginez les réactions (...), mais je répète que mon objectif est d'arriver, dans l'arc de temps de ce gouvernement, à la fermeture de tous les camps roms», a précisé M. Salvini.
Le texte prévoit aussi la possibilité de révoquer la naturalisation de tout étranger condamné pour terrorisme. Cette mesure figure parmi les points litigieux et potentiellement anticonstitutionnels de ce texte qui provoque de vives réactions, y compris au sein du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème), allié gouvernemental de la Ligue.
Selon la presse italienne, le président Mattarella lui-même a obtenu des aménagements, en menaçant de ne pas signer le texte, qui devrait lui être officiellement transmis dans les prochains jours.
Le texte a été approuvé à l'unanimité au sein du conseil des ministres, mais Luigi Di Maio, chef de file du M5S, a prévenu : «Il y a des points qui ne sont pas dans le contrat de gouvernement et qui seront donc discutés au Parlement».
Pour le secrétaire général de la conférence des évêques d'Italie, Mgr Nunzio Galantino, c'est le fait même d'associer immigration et sécurité qui pose problème. «Cela signifie que l'immigré est déjà jugé en raison de sa condition et qu'il est déjà considéré comme un danger public, quel que soit son comportement. C'est un mauvais signe», a-t-il expliqué. (nxp/ats)