Espagne - Sanchez en Catalogne avant la grace imminente des indépendantistes

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EspagneSanchez en Catalogne avant la grâce imminente des indépendantistes

Le Conseil des ministres dirigé par le socialiste pourrait dès mardi gracier les indépendantistes catalans condamnés à la prison pour la tentative de sécession de 2017.

Pedro Sanchez a reçu la semaine dernière l’appui du patronat espagnol, pourtant opposé à l’indépendantisme, ainsi que de l’Église catalane. (Photo Pau BARRENA / AFP)

Pedro Sanchez a reçu la semaine dernière l’appui du patronat espagnol, pourtant opposé à l’indépendantisme, ainsi que de l’Église catalane. (Photo Pau BARRENA / AFP)

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Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez se déplace lundi à Barcelone pour dévoiler sa feuille de route en Catalogne avant que son gouvernement n’officialise dans les jours à venir la grâce controversée des indépendantistes condamnés à la prison pour la tentative de sécession de 2017.

Dans une mise en scène soigneusement orchestrée, le dirigeant socialiste doit prononcer à midi un discours intitulé «Retrouvailles: un projet d’avenir pour toute l’Espagne» dans le prestigieux théâtre du Liceu devant un parterre de personnalités catalanes.

Un discours qui apparaît comme l’acte final précédant le feu vert formel du gouvernement à cette grâce que le Premier ministre tente de vendre depuis des semaines à l’opinion espagnole comme une mesure cruciale en vue de trouver une issue à la crise séparatiste en Catalogne.

Selon le quotidien «El Pais», le Conseil des ministres pourrait adopter cette mesure dès mardi afin de permettre aux indépendantistes incarcérés de sortir prochainement de prison. Pedro Sanchez a ensuite prévu de s’adresser à la Chambre des députés le 30 juin.

La Catalogne, riche région du nord-est de l’Espagne, a été secouée en 2017 par l’une des pires crises politiques qu’ait vécue l’Espagne depuis la fin de la dictature franquiste en 1975. Malgré son interdiction par la justice, le gouvernement régional de l’indépendantiste Carles Puigdemont avait alors organisé un référendum d’autodétermination, émaillé de violences policières dont les images avaient fait le tour du monde.

Jusqu’à 13 ans de prison

Quelques semaines plus tard, le parlement catalan avait déclaré unilatéralement l’indépendance de la région, provoquant la réaction immédiate du gouvernement espagnol, alors aux mains des conservateurs, qui avait destitué le gouvernement régional et mis la région autonome sous tutelle. Poursuivis par la justice, les dirigeants indépendantistes avaient quitté l’Espagne, comme Carles Puigdemont, ou s’étaient retrouvés derrière les barreaux.

La condamnation pour sédition de neuf d’entre eux en octobre 2019 à des peines allant de 9 à 13 ans de prison avait entraîné des manifestations massives en Catalogne dont certaines avaient dégénéré en guérilla urbaine, en particulier à Barcelone. Rejetée par le Tribunal Suprême qui les avait condamnés, leur grâce n’est pas du goût de la majorité des Espagnols.

Selon un récent sondage de l’institut Ipsos, 53% d’entre eux y sont en effet opposés, alors qu’une large majorité (68%) y est favorable en Catalogne. Vent debout, la droite a mobilisé le 13 juin plusieurs dizaines de milliers de personnes dans le centre de Madrid contre cette grâce, uniquement motivée, selon elle, par la volonté de Pedro Sanchez, dont le gouvernement minoritaire est soutenu par une partie des indépendantistes, de se maintenir au pouvoir.

«Clé qui ouvre le cadenas»

Pedro Sanchez a en revanche reçu la semaine dernière l’appui du patronat espagnol, pourtant opposé à l’indépendantisme, ainsi que de l’Église catalane. Selon plusieurs analystes, Pedro Sanchez fait maintenant ce pari très risqué politiquement car les prochaines élections nationales, prévues au plus tard en janvier 2024, sont suffisamment éloignées.

«Avec le temps, la grâce apparaîtra anecdotique si l’économie va bien et si les Espagnols ont l’impression que la sortie de crise sera différente de celle de 2008 grâce aux fonds européens» du méga plan de relance dont l’Espagne est l’un des plus grands bénéficiaires, souligne Pablo Ferrándiz, sociologue à l’Université Carlos III de Madrid.

Reste désormais à voir si cette mesure – qui ne concernera pas Carles Puigdemont, toujours poursuivi par la justice espagnole – pourra permettre de faire avancer le dialogue en Catalogne, où le nouveau président régional indépendantiste, Pere Aragonés, est un modéré.

«La grâce est une pièce fondamentale. C’est la clé qui ouvre le cadenas car la situation était totalement bloquée en Catalogne», juge Oriol Bartomeus, professeur de Sciences politiques à l’Université Autonome de Barcelone.

Le «chemin ne va pas être facile», selon lui, alors que les indépendantistes campent sur leur exigence d’un référendum d’autodétermination, une revendication dont le gouvernement ne veut pas entendre parler. «Mais la grâce va mettre fin à la fiction» de la tentative de sécession et «forcer les indépendantistes à proposer quelque chose» d’autre, conclut l’universitaire.

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