Genève - Sans-abri sous la pluie, «une lutte pour survivre»

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GenèveSans-abri sous la pluie, «une lutte pour survivre»

La situation des SDF en cette période de fortes intempéries inquiète les travailleurs sociaux. L’absence de structure d’accueil immédiat est pointée du doigt.

La problématique est d’autant plus inquiétante que les places en hébergement d’urgence sont insuffisantes.

La problématique est d’autant plus inquiétante que les places en hébergement d’urgence sont insuffisantes.

Laurent Guiraud

En juillet, le soleil fait défaut et des pluies diluviennes s’invitent régulièrement, depuis plusieurs semaines. Face à cette météo capricieuse, certains sont plus vulnérables que d’autres. Les personnes sans-abri en sont les grandes victimes. «Il y a très peu de structures d’accueil ouvertes durant l’été. Sincèrement, je ne sais pas comment elles s’en sortent. C’est une lutte pour survivre», s’émeut Francesca Olivetti, fondatrice de SGS Solidarités Pâquis.

Campements anéantis et danger au bord de l’Arve

«Ces gens vivent avec leur maison sur le dos. Ils se retrouvent avec tous leurs biens mouillés, sans possibilité de les sécher», explique Aude Bumbacher, directrice du Collectif des associations pour l’urgence socialE (CausE). Pire: «Leurs campements de fortune sont réduits à néant.» La hausse du niveau de l’Arve, dont les rives sont le lieu de prédilection des SDF lors d’intempéries, préoccupe les travailleurs sociaux. «L’eau monte extrêmement vite. C’est un endroit très dangereux», alerte Francesca Olivetti. Après avoir reçu un nombre croissant de demandes de tentes, elle a lancé plusieurs appels aux dons sur Facebook, sans beaucoup de succès.

Pas de sleep-in à Genève

«Aujourd’hui, il n’existe plus de structure d’accueil immédiat à Genève. Un lieu où les gens frappent à la porte le soir même et obtiennent un lit où dormir. Maintenant, ils doivent être orientés par les structures, qui opèrent déjà un premier filtre. Il y a tout un processus, avec des critères. À Franck Thomas, par exemple, ce sont soit des femmes, soit des hommes ayant des droits sur le territoire ou des grands précaires. On a amélioré la qualité des prestations, mais on a réduit la possibilité d’une mise à l’abri immédiate», déplore Aude Bumbacher. Ces dispositifs, appelés «sleep-in», sont particulièrement demandés lors d’intempéries. Selon la responsable, il n’en existe plus à Genève depuis avril 2020.

L’Unité mobile d’urgences sociales (UMUS), qui oriente les usagers vers les structures d’hébergement existantes, indique pour sa part n’avoir pas constaté davantage de situations problématiques liées à la pluie. En revanche, Sophie Bernard, la porte-parole de l’Institution genevoise de maintien à domicile (imad), dont l’UMUS dépend, observe qu’en 2021, «les situations de précarité ont fortement augmenté par rapport aux années précédentes». Quelle que soit la météo, l’UMUS propose aux personnes dépourvues d’abri – vu le taux d’occupation très important des structures d’hébergement d’urgence - des vêtements chauds, un sac de couchage, de la nourriture, une évaluation santé-sociale un soutien et une orientation vers le réseau de jour.

Manque d’hébergements d’urgence

La problématique est d’autant plus inquiétante que les places en hébergement d’urgence sont insuffisantes à Genève. «On reçoit trois, quatre demandes de logement par jour, mais on n’a malheureusement pas les moyens financiers d’y répondre. C’est pas seulement en hiver qu’ils ont besoin daide, c’est aussi maintenant», regrette Silvana Mastromatteo, à l’origine de l’association La caravane sans frontières, qui accueille actuellement une quinzaine de personnes, dans un camping à Satigny (GE). Contacté, le Canton rappelle qu’il a débloqué 2,8 millions de francs pour mettre en place un dispositif d’hébergement d’urgence dans des hôtels, depuis décembre dernier jusqu’au mois d’octobre.

Pourtant CausE, l’association chargée des 155 places d’accueil subventionnées par l’État, constate aussi un manque d’espace. «La liste d’attente ne désemplit pas. Nous avons une trentaine dhommes et cinq, six familles qui sont en attente.» Deux semaines à un mois d’attente sont nécessaires avant d’obtenir une chambre.

«Le Canton et les communes doivent prendre leurs responsabilités»

La Ville de Genève, qui prend en charge la très grande majorité des sans-abri, est consciente de la situation. «Malgré tous les efforts, nous ne répondons pas complètement aux besoins», admet Christina Kitsos, conseillère administrative en charge du Département de la cohésion sociale et de la solidarité. C’est pourquoi, «il est aujourd’hui essentiel que les autres partenaires institutionnels – Canton et communes – prennent aussi leurs responsabilités dans ce domaine afin de pérenniser un dispositif d’hébergement d’urgence qui réponde aux besoins des personnes en toutes saisons».

C’est ce qui est prévu, indique le gouvernement. «Un projet de loi sur l’hébergement des sans-abri a été déposé au Grand Conseil. Il devrait permettre d’avoir une politique coordonnée dans ce domaine.» Selon nos informations, un consensus se dessine déjà autour du texte.

Où demander de l’aide

«Les personnes qui seraient actuellement en difficulté compte tenu des conditions météorologiques peuvent solliciter le Service social qui facilitera leur admission dans son dispositif d’hébergement ou les orientera vers une association. Il convient d’appeler le 0800 44 77 00», préconise la Ville, qui souligne qu’une permanence «Admissions», à la rue du Temple 8, est à la disposition des personnes qui cherchent un hébergement.

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