Soleure: Soignés à l'ecstasy et au LSD par leur psychiatre

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SoleureSoignés à l'ecstasy et au LSD par leur psychiatre

Une enquête pénale a été ouverte à l'encontre du fondateur de la communauté des Fleurs de cerisier. Il aurait conçu des thérapies à base de drogues pour ses adeptes.

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Samuel Widmer, 66 ans, est psychiatre et fondateur de la communauté des Fleurs de cerisier à Nennigkofen-Lüsslingen (SO). Le Ministère public soleurois vient d'ouvrir une enquête pénale contre lui pour violation de la loi sur les stupéfiants, rapporte lundi le «Tages-Anzeiger». Il est accusé d'utiliser des substances illégales, telles que du LSD ou de l'ecstasy, dans le cadre de ses thérapies... et cela depuis plus de trente ans.

La semaine dernière, les forces de l'ordre ont procédé à de nombreuses perquisitions, dont celle de la maison du «gourou», confirme Cony Zubler du Ministère public soleurois. Des habitants du village parlent d'une grande intervention policière. La porte-parole n'a toutefois pas désiré livrer de précisions sur les objets éventuellement saisis.

Des anciens adeptes déballent

Samuel Widmer, lui, nie avoir fait usage de drogues. Il se contente de dire qu'il a uniquement recours à des médicaments autorisés en Suisse. Il avait tenu le même discours en 2011 dans un reportage de la RTS, où il affirmait utiliser de la kétamine (anesthésiant aux effets psychotropes) et de l'éphédrine (stimulant pour l'activité physique ou mentale), dont les effets sont proches des drogues en question. Reste que plusieurs personnes ayant quitté sa communauté affirment le contraire. Widmer aurait ainsi formé des centaines de ses adeptes pour qu'il deviennent des thérapeutes en psychothérapie psycholytique (voir encadré). Ceux-ci feraient prendre des drogues à leurs patients. Les anciens adeptes expliquent ainsi que tous les participants à ces cours reçoivent une feuille sur laquelle il est noté qu'ils se trouvent dans l'illégalité parce que «la grande majorité des substances utilisées dans le séminaire sont interdites». Les personnes concernées seraient également informées sur le comportement à adopter en cas de contrôle de la police.

Deux morts et plusieurs blessés

Cela fait près de 40 ans que Samuel Widmer fait des expériences avec les drogues. Dans le passé, il les utilisait même en toute légalité pour ses traitements. Le «gourou» affirme ainsi avoir reçu une autorisation de la part de la Confédération en 1986, lui permettant d'utiliser du LSD à des fins scientifiques. Cette autorisation lui a néanmoins été retirée en 1993. Les séminaires en psychothérapie psycholytique ne sont pourtant pas sans danger, indique le «Tages-Anzeiger». Le journal rappelle quatre séances qui ont viré au drame:

- En mars 2009, un séminaire - qui se tenait au centre de Samuel Widmer à Lüsslingen (SO) - avait mal tourné. Sur les soixante personnes présentes, certaines avaient montré des symptômes d'empoisonnement et avaient commencé à avoir des hallucinations effrayantes. Afin d'éviter le pire, le «gourou» aurait alors administré des piqûres de Valium pour calmer les gens, racontent d'anciens adeptes.

- En septembre 2009, un médecin allemand de 50 ans avait administré une douzaine de pilules d'ecstasy à ses clients. Rapidement, plusieurs d'entre eux s'étaient mis à hurler. Ce n'est que lorsque certains avaient perdu connaissance que le quinquagénaire avait appelé les secours. Deux hommes de 28 et de 59 ans étaient décédés. Un autre était resté plongé pendant deux semaines dans le coma. L'Allemand, un ancien élève de Samuel Widmer, avait écopé de 4 ans et 9 mois de prison.

- En décembre 2009, une doctoresse zurichoise et son mari ont été placés en détention provisoire. La médecin était alors accusée d'avoir réalisé de nombreuses psychothérapies psycholytiques au cours desquelles elle a fait prendre du LSD et des pilules d'ecstasy à ses patients. Elle avait finalement été condamnée en juillet 2010 à une peine de prison avec sursis. Elle aussi était une ancienne élève de Samuel Widmer.

- En avril 2014, une femme à Amsterdam a consommé une substance qu'elle avait l'habitude de prendre au cours des séminaires de Samuel Widmer. Prise de violentes douleurs à la tête, elle avait appelé le centre du gourou pour demander de l'aide. Là-bas, on lui avait dit qu'il s'agissait de migraines. Ce n'est qu'après 50 heures qu'elle s'était décidée à aller voir un médecin. Celui-ci lui a diagnostiqué une grave attaque cérébrale et deux grosses hémorragies internes.

Secte, un terme flou

Il est très difficile de donner une définition précise de ce qu'est une secte. L'office fédéral de la police (Fedpol) la décrit comme telle: «une secte est une communauté de croyance, de nature religieuse ou philosophique, ayant causé des controverses au sein du public.» Pour la rendre plus précise, écrivait «L'Hebdo» en juillet 2007, on peut s'appuyer sur des critères de dangerosité définis par François Bellanger, spécialiste des dérives sectaires à l'Uni de Genève. Parmi ces critères, on retrouve entre autres la rupture entre le groupe et le monde extérieur, les exigences financières ou encore les méthodes de guérisons miraculeuses.

Il n'existe aucune liste officielle du nombre de sectes en Suisse. Georg Schmid, expert en sectes auprès du centre d'information Relinfo, géré par l'Eglise protestante, avait néanmoins estimé, il y a huit ans, à plus de 700 le nombre de sectes dans notre pays.

«Psychothérapie psycholytique»

Cette forme de psychothérapie consiste à faire prendre occasionnellement aux patients des substances permettant un approfondissement du travail psychologique, rapportent divers sites internet.

Quelques informations sur la communauté des Fleurs de cerisiers

La communauté des Fleurs de cerisiers a vu le jour en 1996. Sur son site Internet, elle dit compter 90 membres adultes et autant de mineurs. Ces personnes sont installées à Lüsslingen et Nennigkofen, mais aussi à Soleure et dans d'autres lieux de l'Espace Mittelland. L'Université thérapeutique-tantrique-spirituelle chapeaute le groupe.

Samuel Widmer, qui a choisi d'installer son premier cabinet à Lüssingen dans les années 70, a toujours expliqué vouloir expérimenter de nouvelles formes de thérapies. Interrogé par «L'Hebdo», il avait ainsi affirmé que pour lever «les barrières» il fallait notamment passer par le «sexe thérapeutique». «Le médecin noue automatiquement une relation avec son patient, il n'est donc pas naturel de l'abroger au nom d'une morale conservatrice», avait-il précisé. Samuel Widmer a deux femmes et onze enfants.

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