France voisine: «Swissness» inquiète du côté français

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France voisine«Swissness» inquiète du côté français

Des élus ainsi que des agriculteurs de l'Ain et de la Haute-Savoie craignent que le projet de label suisse mette en péril les exploitations agricoles situées en zone franche.

Trop compliqué, pas assez clair: les PME et l'industrie alimentaire goûtent peu le projet devant régler l'octroi du label suisse, dit «Swissness». Même levée de boucliers chez des agriculteurs français des zones frontalières, ainsi qu'à Genève et Vaud. Pour eux, cette législation, en consultation jusqu'à vendredi, menace une collaboration de plusieurs décennies.

Plusieurs dizaines d'exploitations agricoles françaises des zones franches de Genève et de St-Gingolph (VS) commercent avec les cantons voisins depuis environ cent ans. Les produits, notamment le lait, sont échangés librement, sans droits de douane jusqu'à un certain volume.

Le hic: la Confédération n'a pas tenu compte de ces régions dans ses projets d'ordonnance. Avec des conséquences «très négatives» pour les paysans concernés. Les Laiteries réunies de Genève, qui collectent du lait français, genevois et vaudois, n'y vont pas par quatre chemins, et parlent de «fort risque de faillite». Quelque 400 emplois pourraient au total passer à la trappe.

Ces agriculteurs bénéficient du soutien des cantons de Genève et de Vaud. Ces derniers demandent à l'administration fédérale de rajouter les zones franches en question dans l'article consacré aux exceptions. En outre, des élus ainsi que des paysans des départements français de l'Ain et de Haute-Savoie ont exprimé leurs craintes lors d'une conférence de presse.

Mieux protéger le label suisse

Le but de la nouvelle législation est de mieux protéger les produits méritant le label suisse dès 2017. Les entreprises auront deux ans après cette date pour s'adapter et écouler les stocks restants.

Pour les produits naturels - notamment plantes, eau, viande - un taux de 100% de «suissitude» sera nécessaire. Une exigence aussi valable pour le lait et les produits laitiers. Pour les denrées alimentaires, un minimum de 80% de matières premières helvétiques sera nécessaire. Des exceptions pour ce calcul sont prévues pour les produits non disponibles en Suisse.

Révision «complète» exigée

Les PME grossissent les rangs des mécontents: la mise en oeuvre de la législation doit être «simplifiée et clarifiée», exige l'Union suisse des arts et métiers (usam). Ceci afin que les micro-entreprises puissent la mettre en oeuvre judicieusement. En outre, la faîtière veut que ce soit le plaignant et non le fabricant qui apporte des preuves en cas de désaccord sur l'octroi du label.

Même réaction négative du côté de la Fédération des industries alimentaires suisses (fial). L'organisation réclame une «révision complète» du projet, en «consultant les entreprises qui devront appliquer la législation». Plusieurs volets du texte seraient «impraticables».

La Fédération romande des consommateurs (FRC) est elle aussi peu convaincue, mais pour d'autres raisons. Elle fustige «l'absence de contrôle et de sanctions en cas d'abus de 'suissitude' sur les denrées alimentaires», qui vide le projet de sa substance.

Horlogerie partagée

Rayon produits industriels, comme les montres, le taux de «suissitude» sera fixé à 60%. Ce seuil comprendra entre autres les coûts de fabrication et d'assemblage, ainsi que ceux de recherche et de développement.

La branche horlogère salue un projet qui doit renforcer sa «crédibilité à l'échelle internationale». Mais la Fédération de l'industrie horlogère suisse (FH) regrette que la réglementation soit «trop lourde et exigeante». Voire carrément «irréaliste» sous certains aspects, comme celui d'appliquer les principes du monde agricole aux «secteurs hautement industrialisés».

Les moyennes et plus petites entreprises horlogères craignent le nouveau taux de «suissitude» exigé, qui grimpe de 50 à 60%, souligne Ronnie Bernheim, responsable de la communauté d'intérêts Swiss Made, qui représente environ 30 sociétés. Car ce seuil concerne désormais «la montre entière» et non plus seulement le «mécanisme de mouvement».

Difficulté supplémentaire à ce sujet: la Suisse manque notamment de fournisseurs de composants. Il faut donc prolonger le délai d'adaptation prévu pour permettre à ce secteur de se reconstituer, souhaite M. Bernheim.

«Clore les négociations interminables»

Du côté des agriculteurs, la valeur de la «Swissness» est évaluée entre 400 et 800 millions de francs. Globalement satisfaite, l'Union suisse des paysans aimerait néanmoins que l'eau ne soit pas incluse dans le calcul de la part minimale de matières premières suisses. Sinon, un jus de pomme à base de concentré étranger pourrait obtenir le label via une adjonction d'eau minérale helvétique.

Les producteurs de lait saluent les propositions de la Confédération. Mais ils réclament une application «rapide»: le Parlement ayant adopté la législation en juin 2013, «après d'interminables négociations», il n'y a «plus aucune raison d'attendre encore». Pour la fédération, l'entrée en vigueur agendée début 2016 laisse assez de temps pour s'adapter. (ats)

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