Trop de torture en Egypte
La torture est systématique en Egypte, avait révélé Amnesty International dans son rapport annuel publié récemment.
Deux opposants au régime du président Hosni Moubarak affirment également que des dizaines de milliers de personnes sont incarcérées sans aucun acte d'accusation.
De plus en plus souvent des femmes sont victimes de la violence des forces de sécurité de l'Etat et des criminels de droit commun ou des hooligans soudoyés par le régime. «Les femmes sont menacées de viols, souvent en présence de leur époux ou de leurs frères, pour faire des aveux absurdes», rapporte Noha Atef, dans un entretien accordé à l'ATS.
Cette journaliste de 23 ans, basée au Caire, a fondé il y a deux ans le site web tortureinegypt.net, qui rapporte le témoignage de victimes de tortures, photos à l'appui. La société civile gagne en importance et perçoit toujours plus fortement et de manière plus critique les irrégularités choquantes dans son propre pays, estime Mme Atef. Cette situation pourrait mettre en difficulté Hosni Moubarak.
Peur constante
Si elle n'a jamais connu la prison, Noha Atef vit toutefois dans une peur permanente. La présence d'un représentant du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) à un débat organisé par Amnesty International jeudi soir à l'Université de Berne a pu lui assurer une certaine protection sûre. Simon Ammann d'Amnesty s'en dit convaincu.
Noha Atef était l'hôte d'Amnesty en compagnie de Saad ad-Din Ibrahim, 68 ans et exilé au Quatar. Professeur de sociologie à l'Université américaine du Caire (AUC), il a été emprisonné durant des années dans les geôles égyptiennes pour avoir critiqué le régime de Hosni Moubarak.
Les collaborateurs de l'association qu'il a mise sur pied, l'organisation égyptienne pour les droits de l'homme ainsi que ceux de son Centre Ibn Khaldoun de recherche sur la démocratie, les droits de l'homme, les manipulations électorales ou d'autres abus de pouvoir encore font toujours l'objet d'arrestations et de jugements. Ils sont toutefois relaxés en dernière instance.
Ibrahim estime le nombre de prisonniers politiques en Egypte - arrêtés arbitrairement et emprisonnés souvent pendant une longue période et sans motif d'inculpation - à plus de 80 000, tandis que de nombreuses personnes sont portées disparues.
Amnesty International parle de son côté d'au moins 18 000 personnes emprisonnées souvent dans des conditions effroyables, sans plainte et sans être passées devant un tribunal.
Etat d'urgence permanent
Hosni Moubarak, qui a pris le pouvoir en 1981 en instaurant l'état d'urgence, laisse les mains libres à son service de sécurité de l'Etat (SSI), lequel étouffe toute opposition - la plupart du temps par des moyens brutaux et sans que les responsables rendent des comptes.
Certes le régime se vante de respecter la liberté de la presse, des journalistes sont toutefois intimidés, notamment par des procès, rapporte Amnesty.
Lutte contre le terrorisme
Sous prétexte de lutte contre le terrorisme, le gouvernement égyptien veut accorder les pleins pouvoirs à l'organe de sécurité et saper les droits de l'homme dans la constitution et dans une nouvelle loi anti-terroriste.
Hosni Moubarak exploite l'islamophobie de l'administration du président américain George W. Bush pour se maintenir au pouvoir, souligne Ibrahim. Il peut également prendre des mesures contre le groupe le plus fort de l'opposition: les Frères Musulmans, qui qualifient le régime de corrompu ou encore d'esclave du matérialisme et de l'Occident «athée».
Interdit en tant qu'organisation, les Frères Musulmans représentent un Islam politique au Parlement sans appartenance politique officielle.
(ats)