Territet (VD)Tueur de l'EMS: le senior jugé irresponsable
Le tribunal a reconnu mardi l'irresponsabilité de l'octogénaire qui avait attaqué quatre autres pensionnaires au couteau. La défense a réclamé des indemnités.
- par
- Christian Humbert

L'EMS Residence L'Eaudine, où le drame s'était déroulé.
«La première personne a été tellement découpée... Elle est en train d'agoniser.» L'appel aux secours du personnel de l'EMS L'Eaudine de Montreux-Territet dit tout de l'horreur qui s'est jouée en quelques minutes, au petit matin du 26 février 2017. L'auteur octogénaire des coups de couteau assénés au cou de quatre pensionnaires n'a pas paniqué: «J'ai mis l'animation. Comme cela, elles arrêteront de me faire chier.»
Ce retraité neuchâtelois de 81 ans a ainsi voulu marquer sa désapprobation d'être enfermé dans un centre psychogériatrique, alors qu'il n'est atteint ni d'Alzheimer ni de démence sénile.
«Je ne pouvais sortir qu'accompagné»
Ce sont les conséquences de ses abus d'alcool qui ont incité les autorités à placer le veuf en cet endroit: «Je n'ai jamais compris pourquoi j'étais là. Je ne m'y sentais pas bien. Je ne pouvais sortir qu'accompagné», a-t-il raconté sereinement aux juges du tribunal de Vevey. Mardi, il a dû y répondre du meurtre d'une pensionnaire et de tentative de meurtre sur d'autres vieux résidents, qu'il a attaqués avec son couteau suisse.
Il avait au préalable souvent téléphoné à la police ou écrit aux autorités pour se plaindre de son sort, annonçant être prêt à tout, même de «petites blessures», pour en sortir.
«Irresponsable? Qu'on l'indemnise, alors»
«J'étais dans un épais brouillard. Je ne comprends pas ce que j'ai fait. Je n'en avais pas l'intention. Je m'excuse», s'est défendu l'ancien technicien des PTT. Cas rare: l'expert psy a constaté que le tueur, non alcoolisé, n'était pas responsable de ses actes au moment des faits. Il était intoxiqué par des médicaments et souffrait de delirium.
Il ne peut être condamné, a admis le procureur Laurent Contat, mais placé dans un établissement fermé.
L'avocat du prévenu, Me Samuel Pahud, n'y est pas allé par quatre chemins: «Si mon client est irresponsable, cela équivaut à un acquittement.» Et de réclamer 73'000 francs d'indemnité pour détention illicite, son client ayant séjourné en prison depuis son interpellation, juste après les faits.
Placé en milieu fermé
Auparavant, l'homme de loi avait décrit le terrible univers de l'EMS du crime, inadapté au prévenu, lequel était conscient de son environnement: deux décès en huit mois dans sa chambre, une surmédication qui «fout en l'air le cerveau», des résidents qui se laissent aller et qui crient toute la nuit. Une description qui n'a pas convaincu les juges d'allouer une indemnisation à l'octogénaire.
Le tribunal a suivi le procureur et a reconnu le prévenu pénalement irresponsable. Les juges ont décidé qu'il suivra un traitement institutionnel en milieu fermé. Ils ont rejeté la demande d'indemnités de la défense.
Famille sous le choc
Les fils de la défunte sont sous le choc: «Nous en voulons à l'EMS, incapable de protéger notre mère, à l'Etat et au prévenu. Nous ne lui pardonnerons jamais. Il a quand même cherché à se débarrasser du couteau dans les WC.»