G20 FinancesUn compromis qui sauve la face
Les ministres des Finances du G20, réunis samedi à Londres, sont parvenus à un compromis sur la limitation des bonus qui satisfait dans un premier temps tout le monde : la France car elle met le sujet à l'étude, les Anglo-Saxons parce qu'elle ne fixe aucune date.
La réunion, préparatoire au sommet des chefs d'Etat qui se tiendra à Pittsburgh aux Etats-Unis les 24 et 25 septembre, était consacrée aux moyens de mettre fin à la crise actuelle et d'éviter qu'elle ne se reproduise. Les bonus des banquiers sont vus parfois comme une cause des excès qui l'ont provoquée.
A l'ouverture de la réunion, le Premier ministre britannique Gordon Brown a estimé que «la rémunération et les bonus ne peuvent pas récompenser l'échec ou encourager des prises de risques inacceptables. Cela offense le public car l'argent des contribuables a empêché de nombreuses banques de s'effondrer et soutient à présent l'économie», a-t-il dit. Son appel à «mettre en oeuvre conjointement des règles cohérentes sur les rémunérations des banquiers, avec des sanctions au niveau national pour les banques qui ne jouent pas le jeu», a été pris en compte dans le communiqué final.
Le texte retient le principe de la transparence des bonus, de leur étalement dans le temps et la possibilité de ne pas verser le bonus promis les années de mauvaises performance.
Mais la France en particulier voulait plus, que le G20 reconnaisse le principe de leur plafonnement, ce dont ne veulent pas entendre parler les Britanniques et les Américains. Finalement, le G20 Finances a demandé au Conseil de Stabilité financière (CSF) «d'explorer les approches possibles d'une limitation, liée au risque et à la performance de long terme». Cette formule a été trouvée à l'issue de discussions âpres, selon les témoins, entre la ministre française Christine Lagarde et son homologue américain Tim Geithner.
Mme Lagarde s'est félicitée lors de sa conférence de presse que les bonus soient désormais «dans le collimateur de tout le monde» et que la proposition française de les limiter ait été «prise en compte», y compris par «certains qui n'étaient pas d'accord pour adopter une quelconque déclaration incluant le mot "limitation"». «C'était totalement inespéré et inenvisageable il y a quelques semaines», s'est-elle réjouie, éludant les commentaires selon lesquels le G20 avait seulement parlé de «limitation» et non de «plafonnement» (c'est-à-dire, la fixation de montants absolus au-delà desquels les bonus seraient interdits). «Plafonnement ou limitation, bonne chance pour faire la distinction», a-t-elle lancé.
Les Anglo-Saxons n'ont pas fait preuve du même enthousiasme. Le Britannique Alistair Darling a souligné que la question des bonus n'avait été qu'une parmi d'autres samedi, et que le contraire aurait été dommage.
Quant à M. Geithner, il a froidement rappelé aux Européens que le président Barack Obama avait été le premier, le 4 février, à «énoncer un ensemble de propositions pour réformer les pratiques de rémunération». Il a souligné aussi que les Etats-Unis avaient déjà légiféré sur cette question, qu'ils sont même allés moins loin que ce que veulent les Européens et ce que suggère désormais le G20.
De toutes façons, a-t-il ironisé par la suite devant la presse, «je ne crois pas qu'il y ait un seul pays qui propose vraiment de fixer des limites de manière globale, ou des montants».
Le compromis de samedi donne à la France la satisfaction de laisser le débat ouvert sur le sujet. «La France va rester attentive et ça n'est pas la fin de l'histoire», a prévenu Mme Lagarde, laissant entendre que Nicolas Sarkozy remettrait la question sur le tapis à Pittsburgh. (afp)