Démission de Samuel SchmidUn notable bernois au-dessus des partis qui s'est retrouvé seul
Samuel Schmid a tenté jusqu'au bout de s'afficher comme notable bon teint et pragmatique.
Elu au Conseil fédéral en tant qu'UDC comme rempart contre la ligne blochérienne, il a vu fondre ses soutiens politiques. Le Bernois était sous forte pression depuis l'affaire Nef.
La carrière gouvernementale de ce notaire a commencé sous de meilleurs auspices. Le Parlement l'a choisi le 6 décembre 2000 contre l'avis de l'UDC. A l'époque, Samuel Schmid pouvait encore servir de bouclier contre les assauts de la droite isolationniste. Et il a pu répondre aux attentes dans un premier temps.
Colonel à l'armée, le ministre de la défense a convaincu de justesse en juin 2001 le peuple d'accepter l'armement à titre d'autodéfense des soldats suisses en mission de paix à l'étranger. Il a même pu rallier une très courte majorité de son parti à la réforme Armée XXI, qui a été largement acceptée (76 %) en votation populaire en mai 2003.
Rupture avec l'UDC
Mais les nuages n'ont cessé ensuite de s'accumuler sur celui que Christoph Blocher a accusé en 2002 de n'être qu'un «demi-conseiller fédéral». Cette image lui a collé à la peau comme cellle de ministre «hors-sol». Devant le Parlement, Samuel Schmid ne pouvait presque plus compter que sur l'appui du PRD et du PDC. La ligne modérée de l'UDC a fondu comme neige au soleil.
S'il s'est associé bon gré mal gré à l'ultimatum des démocrates du centre qui a conduit Christoph Blocher à siéger à ses côtés au Conseil fédéral, le Bernois n'a pas voulu quitter le gouvernement lorsque le tribun zurichois s'est fait évincer en décembre 2007. La rupture entre celui qui a défendu l'EEE en 1992 et son parti était alors consommée.
Eté meutrier
Le conseiller fédéral a brandi, avec sa nouvelle collègue la Grisonne Eveline Widmer-Schlumpf, les couleurs du Parti bourgeois démocrate, formé d'une poignée de dissidents UDC. «Responsable devant la constitution et non pas devant un parti», ce juriste respectueux des formes n'a jamais voulu paraître ébranlé. Mais il n'a pas pu rester très longtemps au dessus de la mêlée.
Le ministre de la défense, qui a eu mille peines à imposer une vision de l'armée qui contente tout le monde, a été sous le feu des critiques avec les drames de la Jungfrau et de la Kander, les meurtres commis avec une arme de service - que le Bernois, adepte du tir, ne voulait pas voir rangée à l'arsenal - et la polémique sur le chargement de l'arme lors des gardes.
L'affaire Roland Nef, révélée cet été, a sonné son glas politique. Samuel Schmid a multiplié les faux-pas. Il n'a pas jugé bon d'informer le Conseil fédéral que l'ex-chef de l'armée était sous le coup d'une procédure judiciaire. Il a défendu puis suspendu l'officier qui a fini par démissionner.
Les «erreurs» et les «oublis» que le ministre a reconnus lui ont fait perdre beaucoup de soutiens au Parlement. Le 24 septembre 2008, l'UDC et la gauche se sont alliées au National pour refuser son programme d'armement. L'optique de voir les démocrates du centre tourner leur veste en décembre n'a pas suffi à convaincre Samuel Schmid, récemment opéré de la vésicule biliaire, à rester en poste.
D'autres ambitions
Le Bernois est le premier conseiller fédéral depuis Paul Chaudet- qui a lui aussi dû démissionner à fin 1966 à la suite d'une affaire militaire - à n'avoir pas dirigé d'autre département que la défense. Il a certainement eu d'autres ambitions: les affaires étrangères, les transports et l'énergie et surtout les finances.
Economiquement à droite, Samuel Schmid avait laissé entendre qu'il serait intéressé à devenir grand argentier après le départ fin 2003 de Kaspar Villiger. Mais le département est resté en mains radicales. Le ministre n'a même pas eu droit au lot de consolation. Son projet de superdépartement de la sécurité a été enterré par le Conseil fédéral.
Loyal, le magistrat à l'aspect bonhomme était assez bien noté dans les sondages de popularité avant l'affaire Nef. Mais il n'a pas réussi à exploiter complètement ce filon. Ni à ses visites suprises à la population lors de son année présidentielle en 2005, ni comme ministre des sports durant l'EURO 2008.
Le Bernois aurait parfois des excès de colère. Mais en public, il s'est montré peu enclin aux coups d'éclat. Sauf lorsqu'il a critiqué publiquement la censure du régime tunisien lors du Sommet mondial de la société de l'information à Tunis en 2005.
(ats)