Un «Watergate polonais» prend de l'ampleur
Varsovie - Une affaire d'écoutes clandestines, déjà surnommée le «Watergate polonais» par l'opposition, a pris une nouvelle dimension jeudi.
L'ancien ministre de l'intérieur a été interpellé et inculpé, alors que le pays se prépare à de probables élections anticipées.
Janusz Kaczmarek, qui était encore ministre de l'intérieur au début du mois, a été interpellé au petit matin par ses anciens subordonnés. Le parquet de Varsovie a affirmé qu'il était soupçonné d'»entrave à la justice dans l'enquête sur une fuite concernant l'opération anticorruption au ministère de l'agriculture».
M. Kaczmarek a été inculpé pour «faut témoignages» et «entrave à une enquête», a précisé son avocat Wojciech Brochwicz. Il «plaide non coupable et refuse de déposer», a-t-il ajouté, en qualifiant de «ridicules et entièrement invraisemblables les chefs d'inculpations retenus contre son client.
Les frères jumeaux Kaczynski, au pouvoir depuis l'automne 2005, pensent qu'il a prévenu en juillet son collègue Andrzej Lepper, alors ministre de l'Agriculture, de l'imminence d'un guet-apens contre lui.
La police anticorruption lui avait tendu un piège à l'aide d'agents provocateurs et de faux documents. Mais l'opération a échoué. Le premier ministre Jaroslaw Kaczynski a néanmoins limogé Andrzej Lepper le 9 juillet en l'accusant de corruption sans avancer de preuve.
Témoignage embarrassant
M. Kaczmarek a toujours vigoureusement nié les faits. Mais cet ancien fidèle des frères Kaczynski a commencé à contre-attaquer. Il a affirmé que la Pologne se transformait en «Etat totalitaire». Et il a fait un témoignage, apparemment très embarrassant pour le chef du gouvernement, devant la commission parlementaire de contrôle des services spéciaux.
Alarmés par leurs collègues de la commission, les députés de l'opposition ont réussi à obtenir la lecture intégrale à huis clos de la déposition de l'ex-ministre.
Les députés sont tenus au secret mais, selon plusieurs fuites, l'ancien ministre a affirmé que les responsables des deux partis alliés au mouvement conservateur Droit et Justice (PiS) avaient été illégalement mis sur écoute.
«Déchéance politique»
Les deux victimes, Andrzej Lepper, chef du parti populiste Autodéfense, et Roman Giertych, président de la Ligue des familles polonaise (LPR, ultracatholique), avaient alors rang de vice- premier ministre.
«Nous avons un Watergate polonais», a accusé Roman Giertych, qui s'oppose maintenant résolument aux frères Kaczynski après l'éclatement de la coalition au pouvoir à la mi-août.
Jaroslaw Kaczynski a accusé son ancien ministre d'avoir tout inventé. Mais la précision des révélations incite la plupart des députés à prendre au sérieux son témoignage.
L'opposition soupçonne maintenant le pouvoir de vouloir mettre un terme aux révélations sur les méthodes des frères Kaczynski, qui lui rappellent les pratiques de l'ex-dictature communiste.
Témoin interpellé
Car en même temps que Janusz Kaczmarek, le parquet a fait interpeller Konrad Kornatowski, ex-chef de la police polonaise limogé avec le ministre. Or M. Kornatowski devait témoigner ce vendredi devant la commission parlementaire des services spéciaux.
«Notre tentative de faire toute la lumière sur cette affaire a été stoppée aujourd'hui», a dénoncé le président de la commission Pawel Gras (opposition libérale).
En principe, les frères Kaczynski sont convenus avec l'opposition libérale d'organiser des législatives anticipées à l'automne. Pour ce faire, le parlement doit voter le 7 septembre une motion d'autodissolution, à une majorité des deux tiers. Mais le PiS reste maîtres du jeu car il dispose à lui seul d'un tiers des députés moins deux sièges.
SDA/ATS