GenèveUne formation anti-violence obligatoire pour entraîneurs
L’Etat et l’association genevoise de football ont présenté un catalogue de mesures pour pacifier le monde du ballon rond amateur.

- par
- Jérôme Faas

Les autorités ne veulent plus voir de scènes telles que celle-ci, qui s’était produite le 10 juin 2018 au terme du match Versoix 2-Kosova 2, dont plusieurs acteurs sont jugés depuis lundi.
C’est un hasard de calendrier, mais un hasard qui fait sens: alors que se déroule depuis lundi le procès pénal du «match de la honte», qui, en juin 2018, avait fini en rixe géante et ultra-brutale, les autorités et l’association cantonale genevoise de football (ACGF) présentaient ce mardi un arsenal de mesures destinées à endiguer la violence dans le football amateur genevois. Soit le résultat de réflexions précisément entamées au lendemain d’un épisode qui a fait office d’électrochoc pour le milieu et les politiques, et qui a débouché sur des états généraux. La mesure phare du programme consiste en une formation obligatoire pour tous les entraîneurs.
La répression fonctionne
Tous les acteurs ont en effet vite réalisé que sur le plan de la répression, tant pénale que sportive, les outils existaient déjà: si les violences font l’objet de plaintes, la justice les réprime (preuve en est le procès); il en va de même des sanctions footballistiques: les débordements physiques et verbaux donnent lieu à de longues suspensions, ayant d’ailleurs été sensiblement alourdies au cours des dernières années. «Le dispositif existe, il est appliqué, et l’ACGF n’est pas laxiste», a résumé son président Pascal Chobaz, qui en a profité pour enjoindre tous ceux qui se sentaient agressés sur ou au bord d’une aire de jeu à déposer plainte.
Coaches formés à la médiation
«Nous nous sommes donc déportés sur le préventif», a expliqué Stéphane Jacquemet, chargé par le Canton de mettre sur pied les mesures annoncées ce mardi. Celles-ci, pensées comme «une boîte à outils» pour les clubs, ont pour but de créer «un écosystème» susceptible d’empêcher la violence de germer. Dès novembre, tous les entraîneurs du canton devront suivre un module de formation à la médiation d’une durée de quatre heures. Il sera dispensé par le directeur technique de l’ACGF, l’ex-international suisse Sébastien Fournier.
Une aide pour les dirigeants
Dès le printemps, une seconde formation, d’une durée de seize heures, sera dispensée aux dirigeants des clubs. «Nous avons constaté le désarroi d’un bon nombre de comités bénévoles, a exposé Sébastien Jacquemet. Ils bénéficieront de conseils pratico-pratiques, donnés par des spécialistes en management du sport, afin qu’ils disposent d’outils pour créer une culture de prévention de la violence.» Un observatoire du football sera par ailleurs créé afin qu’émerge une vue d’ensemble tant des bonnes pratiques que des cas problématiques. «Il nous faut un système de monitoring permettant de connaître combien de cas de violences sont individuels, communautaires, quels quartiers ou communes sont touchés, etc.»
Identifier les matches à risque
Un poste de délégué fair-play par match sera créé, attribué à l’entraîneur de l’équipe recevante. Il officiera, selon un cahier des charges travaillé durant le module de formation, à «mettre de l’huile», soit à offrir des conditions d’accueil susceptibles d’empêcher l’atmosphère de s’alourdir. Les autorités ont enfin prévu de créer une charte éthique, afin de nantir les clubs d’un support leur permettant d’aborder le sujet de la violence avec leurs membres; et une campagne de communication autour des terrains a été déployée depuis lundi. Dans un second temps, les autorités et l’ACGF prévoient d’instaurer des rencontres régulières entre les clubs et les arbitres. Enfin, elles souhaitent mettre en place un protocole pour que les clubs collaborent mieux avec les services sociaux et ceux de police, notamment en identifiant en amont les matches à risque.
Jouer sur les subventions
«Vous comprenez bien que ce n’est pas avec une seule mesure que l’on va résoudre le problème», a expliqué Sébastien Jacquemet, qui espère en revanche que leur addition favorisera l’émergence de l’écosystème anti-violence précité. «Il est essentiel que les clubs adhèrent à la démarche» pour qu’elle porte ses fruits, a rappelé le conseiller d’Etat Thierry Apothéloz. «Une prise de conscience de l’ensemble des acteurs doit s’opérer.» Parmi ceux-ci figurent les communes, que représentait la conseillère administrative de la Ville de Genève, Marie Barbey-Chappuis. Cette dernière a ainsi estimé que les collectivités, propriétaires des installations, pouvaient aussi agir à leur niveau, en refusant aux fauteurs de troubles l’accès aux infrastructures sportives, «voire en jouant sur l’accès aux subventions. Le sport ne doit pas être sali par les comportements d’une minorité.»