Votations du 28 févrierUne initiative sur la fiscalité du mariage controversée
Les Suisses devront se prononcer sur l'initiative du PDC sur la dépénalisation du mariage. Décryptage sur cet objet avec en toile de fond la question du mariage pour tous.
- par
- Christine Talos

Quelque 80'000 couples mariés paient actuellement plus d'impôts que des concubins.
Comment empêcher que les couples mariés soient discriminés par rapport aux concubins en matière d'impôts et d'assurances sociales? Le PDC propose sa solution dans son initiative baptisée «Pour le couple et la famille – Non à la pénalisation du mariage» et sur laquelle les Suisses devront se prononcer le 28 février. Mais le texte est controversé, car il empêcherait l'ouverture du mariage aux homosexuels, notamment.
De quoi parle-t-on?
La discrimination fiscale des époux par rapport aux concubins est débattue depuis 1984 au moins, date à laquelle le Tribunal fédéral a décrété que les impôts d'un couple marié sont anticonstitutionnels s'ils dépassent de 10% la somme que le couple paierait s'il n'était pas marié. Depuis, les cantons ont adopté toutes sortes de mesures pour corriger le tir. En revanche, au niveau de l'impôt fédéral direct, toutes les propositions de réforme du gouvernement ont échoué ou presque. Seuls changements introduits: une déduction pour conjoints et une déduction pour double revenu pour les couples mariés. Malgré tout, il reste encore 80'000 couples (5% des couples mariés) qui restent pénalisés fiscalement. Du coup, le PDC a lancé en 2011 son initiative afin de lutter contre cette situation jugée «injuste» et «intolérable».
Pourquoi les couples mariés paient-ils plus?
Dans le calcul de l'impôt, leurs revenus sont cumulés, alors que les concubins sont taxés individuellement. Du coup, en raison de l'impôt progressif, les couples où les deux époux travaillent (qui ont donc un double revenu) paient davantage que ceux qui ne sont pas mariés.
Que demande l'initiative?
Le texte du PDC demande d'introduire dans la Constitution un nouvel article qui précise que «Le mariage est l'union durable et réglementée par la loi d'un homme et d'une femme. Du point de vue fiscal, le mariage constitue une communauté économique. Il ne peut pas être pénalisé par rapport à d'autres modes de vie, notamment en matière d'impôts et d'assurances sociales.» Pour le Parti démocrate-chrétien, «une union ne doit pas entraîner une hausse des impôts ou une baisse de la retraite».
Quels sont les arguments des opposants?
Deux problèmes principaux font bondir les opposants. Le premier, c'est l'inscription dans la Constitution – une première – de la notion du mariage comme étant une union entre un homme et une femme. Pour beaucoup, c'est un moyen d'attaquer par la bande l'ouverture du mariage aux couples homosexuels. Second problème: le texte du PDC précise que le mariage représente une communauté économique sur le plan fiscal. Ce qui pousserait la Confédération à adopter un système de «splitting» (revenus additionnés puis divisés par un ratio à définir) préconisé par le PDC, l'UDC et le PBD. Et qui l'empêcherait de recourir à l'imposition individuelle, un modèle qui a les faveurs du PS, du PLR, des Verts des Vert'libéraux, mais que le PDC voit comme un «monstre bureaucratique».
Quid de la discrimination à la retraite?
C'est un autre volet de l'initiative. Celle-ci exige en effet la fin des différences entre couples mariés ou pas. Car les époux (ou pacsés) ne touchent actuellement pas une rente AVS entière, mais un montant commun qui ne peut dépasser 150% de la rente maximale, contre 2 rentes pleines aux concubins. Ce qui fait bondir le PDC: «Avec un même salaire et une même fortune, les époux paient plus d'impôts et reçoivent des rentes AVS plus basses», proteste-t-il. Mais là aussi, les opposants avancent leurs arguments. D'une part, une rente entière pour chaque conjoint coûterait deux milliards de plus à l'AVS, avancent-ils. D'autre part, les couples mariés bénéficient d'avantages que les concubins n'ont pas. A savoir un supplément de veuvage en cas de décès du partenaire, ou l'exonération des cotisations AVS pour l'époux qui ne travaille pas. En outre, ils bénéficient d'une protection particulière et d'un traitement financier privilégié en matière de LPP, de l'assurance accident et de l'assurance militaire.
Quelles sont les positions des partis et du gouvernement?
Le Conseil fédéral, par la voix d'Eveline Widmer-Schlumpf, avait d'abord soutenu l'initiative et en avait même fait son cheval de bataille. Mais la ministre, qui a quitté Berne le 31 décembre et qui laisse la patate chaude à son successeur Ueli Maurer, avait dû lancer la campagne en faveur du non au texte, afin de suivre le Parlement qui, lui, avait torpillé l'initiative. Pourtant, au cours des débats, celui-ci s'était d'abord mis d'accord sur un contreprojet direct, qui reprenait le texte PDC sans les notions de mariage et de communauté économique controversées. Mais, coup de théâtre, le Conseil des Etats avait changé d'avis à la dernière minute, coulant ainsi le contreprojet. Enfin, du côté des partis, pour l'instant, seule l'UDC soutient le texte du PDC. Tous les autres partis le rejettent.
Initiative jumelle refusée
Le PDC avait déjà lancé, parallèlement à l'initiative sur la dépénalisation du mariage celle baptisée «Aider les familles! Pour des allocations pour enfant et des allocations professionnelles exonérées de l'impôt». Le texte avait été sèchement refusé par 75,4% des Suisses le 8 mars 2015.Aucun canton ne l'avait accepté.