LausanneVerdict mesuré pour un meurtre aux circonstances extraordinaires
Un Sénégalais avait mortellement blessé un Gambien, en mai 2020, à Lausanne. Le prévenu a été condamné à 5 ans d’emprisonnement pour meurtre, une peine assortie de deux fois 6 mois supplémentaires pour d’autres infractions et d’une mesure d’expulsion de 15 ans.

- par
- Marc Fragnière

Le parking de la navigation à Ouchy où s’était déroulé le drame.
Le Tribunal criminel de l’arrondissement de Lausanne a reconnu coupable de meurtre Macky*, un Sénégalais de 29 ans qui avait mortellement poignardé Adama*, un Guinéen de 37 ans au moment des faits, lors d’une rixe dans un parking d’Ouchy, en mai 2020.
En situation illégale en Suisse, les deux hommes étaient logés dans la même chambre par le collectif Jean Dutoit. Le jour du drame, Adama avait suivi puis attaqué Macky, le blessant au couteau à une main et à une omoplate. Le Sénégalais avait alors pu saisir le couteau du Gambien et le retourner contre l’assaillant. Macky a été reconnu coupable du meurtre d’Adama et a écopé d’une peine de prison de 5 ans, une sanction assortie d’un an pour d’autres infractions et d’une expulsion de 15 ans.
Mercredi, lors des débats à la cour, deux thèses s’étaient opposées. Celle du meurtre sur fond de désaccord entre dealers, soutenue par la procureure Laurie Roccaro et celle de la légitime défense, voire de la défense excusable, portée par l’avocat de la défense, Me Marcel Waser.
Le Tribunal a suivi le ministère public pour la qualification de meurtre mais s’est montré beaucoup moins sévère que Laurie Roccaro à l’heure de fixer la peine, vendredi. Sensible aux circonstances atténuantes pour un accusé attaqué dans un premier temps au couteau par sa victime, il a infligé 5 ans de prison au meurtrier, soit moins de la moitié des 11 ans requis par la procureure.
La version du prévenu jugée invraisemblable
Pour le Tribunal, la version de l’accusé, qui prétendait que la victime s’était auto-administrée le coup fatal lorsque les deux hommes avaient chuté dans l’escalier, est invraisemblable. «Le prévenu est parvenu, après la chute dans l’escalier à se saisir du couteau et a porté le coup fatal», a jugé le président Pierre Bruttin, citant un rapport de médecine légale dans lequel les experts jugeaient le scénario avancé par Macky «hautement improbable» en raison de la plaie mortelle, pénétrante et nette.
«Le prévenu s’est trouvé, dans un premier temps, dans une position de victime, a toutefois tempéré Pierre Bruttin avant d’insister sur la chronologie des faits: Il a pris le parti de frapper, d’un coup unique mais fatal à son adversaire. Sa situation n’était pas toute simple, mais il aurait pu fuir ou résister physiquement. Dans un tel cas, la légitime défense est clairement disproportionnée et excessive.»
Selon le président du tribunal, Macky s’est montré redoutablement efficace alors qu’il aurait pu blesser son adversaire avec le couteau ailleurs que dans une zone vitale. Dès lors qu’il a choisi de frapper au thorax, «sa riposte a été insensée et clairement excessive». Le ministère public et la défense se réservent le droit de faire recours du jugement.
*prénoms d’emprunt.