ValaisLes élèves pourraient ne plus redoubler: «Bonne idée, mauvaises raisons»
Le Grand Conseil valaisan fait un pas vers l’abolition des redoublements à l’école obligatoire, dans un canton où la pratique est plus courante qu’ailleurs. L’idée séduit ailleurs.

Refaire son année, est-ce une bouffée d’air pour reprendre les bases, ou un calvaire inutile? En Valais, où près d’un élève sur quatre redouble au moins une fois dans sa scolarité, le Grand conseil a penché pour la deuxième option. Quatre députés issus des Verts, du PLR et du Centre sont parvenus à faire passer un texte mercredi qui ouvre la voie à la fin du redoublement à l’école obligatoire. Une première romande.
«La recherche a montré que le redoublement est inefficace pour 85 à 90% des élèves en échec, du point de vue des apprentissages et de la progression des élèves», explique les élus dans leur texte. Samuel Rohrbach, président du Syndicat des enseignants romands, confirme. «Cela dépend des cas, mais pour beaucoup, le risque est que l’élève s’ennuie à répéter les mêmes choses sans forcément mieux les comprendre si elles sont présentées de la même façon. Par contre, le jeune risque d’être stigmatisé en tant que redoublant, et doit se recréer un réseau d’ami dans sa nouvelle classe, ce qui est exigeant. Il faut être sacrément motivé pour réussir dans ces conditions.»
«Construire les alternatives»
La décision valaisanne doit encore passer la rampe au Conseil d’Etat mais elle est déjà bien accueillie par les spécialistes des autres cantons, même si beaucoup estiment qu’elle est un peu illusoire. «Il ne faut pas penser, comme certains l’ont fait, que cela permettra 5 millions de francs d’économie par an, nuance Samuel Rohrbach. Si on veut que ça marche, il faut réinvestir cette somme dans un réel soutien pour les élèves en difficulté.» Des études montrent en effet que les élèves redoublants se retrouvent régulièrement à nouveau en échec deux ans après, quand la phase de «répit» est passée.
A Neuchâtel, champion du redoublement en 2020, l’idée de l’abolir séduit, face aux exemples réussis du Japon ou de la Norvège notamment, qui brillent dans les comparaisons scolaires internationales. Mais on y prend l’objectif par l’autre bout. «Nous avons thématisé cette question avec les directions d’établissements, et il faut maintenant travailler avec les enseignants et les parents pour déconstruire certaines idées reçues sur ses soi-disant bienfaits, explique Jean-Claude Marguet, chef du service de l’enseignement. Il faut également prendre le temps de construire les alternatives.» Après un an, le taux est déjà en train de baisser, se réjouit-il.
Besoins particuliers
Le Canton a déjà limité (sauf exceptions) les redoublements à la fin des cycles scolaires, et établi un certificat de Besoins éducatifs particuliers (BEP), permettant par exemple à un élève dyslexique de ne plus être pénalisé par des notes d’orthographe ou d’être aidé d’une tablette, décrit Pierre-Alain Porret, président du Syndicat autonome des enseignants neuchâtelois. Le soutien d’équipes pédagogiques dans les classes devrait être de plus en plus utilisé dans la plupart des cantons romands, ajoute Samuel Rohrbach.
«Bonne chance à ceux qui pensent qu’ils vont pouvoir se passer complètement de l’outil du redoublement, sourit toutefois Pierre-Alain Porret. Il faudra forcément des exceptions, par exemple pour les décrochages scolaires pour lesquels la clé, c’est de redonner confiance à l’enfant. On ne fait pas rentrer la réalité des enfants dans des cases.»
Pauline Rumpf (rmf) est journaliste et a travaillé à 20 minutes aux rubriques Suisse/Régions de 2017 à 2025 chez 20 minutes.
