GenèveMobilisation pour une famille «très intégrée» menacée de renvoi
Un syndicat dénonce le durcissement des régularisations de sans-papiers. Le Canton réfute.

«C’est inhumain, inacceptable et incompréhensible!» Le syndicat Sit a dénoncé mercredi un tour de vis «scandaleux» des conditions de régularisation des sans-papiers après la fin de l’opération Papyrus, en décembre 2018, qui a permis à 2390 clandestins d’obtenir un statut légal au bout du lac. Les autorités contestent (cf. encadré). Le Sit, lui, a mis en lumière le cas emblématique d’une famille de Côte d’Ivoire «très bien intégrée», mais aujourd’hui menacée d’expulsion après huit ans passés à Genève.
«La peur au ventre»
La mère, nettoyeuse, subvient aux besoins de sa fille de 18 ans et de son fils de 7 ans, né ici. Elle n’a jamais touché l’aide sociale et n’a pas de casier judiciaire. Son aînée termine ses études secondaires. L’école primaire que fréquente le petit frère loue les «compétences sociales et scolaires» de ce dernier. Pourtant, la demande de régularisation de la famille déposée en 2021 a viré au fiasco. Cet hiver, le Canton a d’abord pensé autoriser l’adolescente à rester, seule, pour poursuivre sa scolarité; avant d’envisager désormais le renvoi de toute la famille «dans un pays où elle ne s’est plus rendue depuis huit ans et que les enfants ne connaissent pas ou plus», se scandalise Thierry Horner, secrétaire syndical. La mère vit avec «la peur au ventre», sa fille se désespère: «Je devrai abandonner tous mes projets d’études et je perdrai mes amis».
La décision finale n’a pas encore été prise, «raison pour laquelle nous agissons maintenant en espérant infléchir la position de l’Etat, note le syndicat. Si le renvoi est prononcé, nous le contesterons en justice; mais ce sera long et très stressant pour la famille».
Subtilité administrative
Le Sit demande au Canton d’invoquer un cas de rigueur pour le trio, comme la législation en laisse la possibilité. Le Secrétariat d’État aux migrations, à Berne, confirme que «la loi permet à la Confédération d’accorder une autorisation de séjour à un migrant sans papiers, en dérogation aux conditions d’admission, sur proposition des autorités cantonales.» Quasi tous les critères sont remplis, assure Raphaël Rey, coordinateur à l’Observatoire romand du droit d'asile et des étrangers: intégration, autonomie financière, situation familiale, scolarisation, comportement exemplaire.
Un bémol, pourtant: pour rester, une famille doit être établie depuis cinq ans. Mais jusqu'en 2020, mère et enfants bénéficiaient d’une carte de légitimation de l’ambassade ivoirienne où travaillait le père, aujourd’hui muté en Côte d’Ivoire. Cette période-là ne compte pas dans le décompte des années de présence. Par ailleurs, l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) considère que «la réintégration de la mère dans le pays d'origine ne posera pas problème»; celle des enfants sera «plus compliquée», mais pas impossible.
En vertu des accords internationaux signés par la Suisse, l’intérêt supérieur des enfants doit prévaloir, s’indigne le syndicat. «Une séparation avec l’aînée ou le renvoi de tous violerait le principe de protection de la famille.»
Genève champion de la régularisation
David Ramseyer (dra) a intégré la rubrique Genève de 20 minutes en 2014. Il traite notamment de sécurité et de développement durable.
